La scène n’a duré que quelques secondes, mais elle s’est produite devant près d’un milliard de téléspectateurs. Pour la cérémonie d’ouverture des Jeux du Commonwealth, mercredi 23 juillet au soir à Glasgow, l’acteur John Barrowman a très publiquement embrassé un des danseurs présents sur scène. Leurs lèvres ne se sont touchées que quelques instants, mais le grand show venait tout juste de commencer, et l’Américano-Ecossais était au centre de la scène en train de chanter une chanson pleine d’humour vantant les atouts de l’Ecosse.
Ainsi au cœur de l’attention, son baiser homosexuel, lui qui est ouvertement gay et s’est marié à son partenaire en Californie l’an dernier, était une déclaration politique évidente. Ces Jeux, qui ont lieu en Ecosse jusqu’au 3 août, se déroulent en effet dans la controverse : 42 des 53 pays du Commonwealth interdisent l’homosexualité, rappelle l’association Stonewall.
L’immense majorité de l’ancien empire britannique, qui regroupe 2,2 milliards d’habitants, continue à considérer qu’une relation avec une personne du même sexe est un crime. Dans certaines provinces du nord du Nigeria, c’est passible de peine de mort. Dans onze pays, le « crime » est puni de peines de prison. Cette année, l’Ouganda a passé une nouvelle loi draconienne interdisant à deux partenaires du même sexe de se tenir la main en public, et condamnant à la prison à perpétuité les mariages homosexuels. Un enseignant qui parle de l’homosexualité peut même perdre son emploi.
SOUTIEN SUR LA TOILE
Face à ces lois homophobes, l’Ecosse est l’une des rares nations du Commonwealth à adopter une position diamétralement opposée. Le mariage homosexuel y est devenu légal en février, peu de temps après l’Angleterre. De plus, le premier ministre écossais, Alex Salmond, était déterminé à projeter l’image d’une nation tolérante. Dans moins de deux mois, le 18 septembre, se déroule le référendum sur l’indépendance de sa nation, et le leader nationaliste veut montrer un peuple dynamique, ouvert et souriant.
Nicola Sturgeon, la vice-première ministre, a d’ailleurs célébré l’action de John Barrowman sur Twitter : « Tellement de moments fantastiques la nuit dernière, mais ce baiser de Glasgow nouveau genre devait être l’un des meilleurs de la cérémonie d’ouverture. » Elle joue ainsi sur les mots, le « baiser de Glasgow » étant le surnom donné à un coup de boule dans cette ville réputée pour ses quartiers difficiles.
L’embrassade de John Barrowman a bien sûr provoqué une importante réaction sur les médias sociaux. L’acteur de Doctor Who et de La Cage aux folles (dans sa version comédie musicale) a reçu quelques attaques sur Twitter. L’une accuse les « propagandistes de l’homosexualité » d’avoir « détourné » la cérémonie. Mais dans l’ensemble, le soutien était nettement plus fort. L’association Amnesty International l’a résumé d’une ligne : « Un grand baiser aux 42 pays du Commonwealth sur 53 où être gay est un crime. »
Eric Albert (Londres, correspondance)
Journaliste au Monde