Médiatisation des LGBT : « Well Well Well », la renaissance de la presse lesbienne ?

« Lève les bras. Lève la voix. Lève la tête de ton bureau. […] well well well » chantaient en anglais les féministes du groupe punk américain Le Tigre. Well, Well, Well, c’est aussi le nom du nouveau, du seul média lesbien sur support papier qui sortira en librairie le 12 septembre. Ce « mook » – un format alternatif entre le magazine et le livre (« book ») – a pour ambition de donner de la visibilité aux homosexuelles.

Une sous-représentation des lesbiennes dans les médias

Plus d’un an après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, la communauté lesbienne est restée dans l’ombre de la médiatisation des LGBT. « Les inégalités hommes-femmes valent aussi pour les lesbiennes, qui ont tendance à être invisibilisées par rapport aux gays, » explique Marie Kirschen, la fondatrice et rédactrice en chef de cette nouvelle revue.

« C’est dommage et frustrant, » confie-t-elle encore, « en quelques mois, trois médias lesbiens ont cessé d’exister en plein débat sur le mariage pour tous. » Tetue.com, dont elle était la responsable, a disparu en 2013 quand le site tetu.com, a été racheté. Au regard des pertes, le nouveau propriétaire Jean-Jacques Augier n’a pas jugé opportun de conserver le site web, désormais hébergé par Yagg, mais dont la version lesbienne a été abandonnée. La revue mensuelle Lesbia et le magazine La Dizième Muse n’ont pas résisté à la crise de la presse non plus.

Le papier, un pari risqué

L’équipe de Well Well Well en est consciente: il est difficile pour la presse lesbienne de trouver des financements. Ses lectrices ne représentent qu’une part restreinte de la population. De plus, les annonceurs rechignent à investir. Selon Marie Kirschen, « beaucoup d’entre eux n’ont pas envie d’associer leur image à une publication lesbienne. »

Le pari était donc risqué. La rédaction ne souhaitait pas concurrencer les quelques sites web qui existent déjà. Elle a préféré prendre pour modèle les revues XXI ou 6 Mois et s’atteler à donner une voix aux lesbiennes sur un autre support. Un papier épais de qualité, de longues interviews, des papiers fouillés, agrémentés de véritables pauses photos et d’un graphisme esthétique: le résultat est réussi.

Un projet né du bénévolat et du crowdfunding

L’équipe de Well Well Well parviendra-t-elle pour autant à écouler les 3000 exemplaires de 15 euros ? La rédactrice en chef l’espère, car l’avenir du titre en dépend. Cette première publication a vu le jour grâce aux 36 collaborateurs bénévoles et au financement participatif. L’équipe espérait récolter 10 000 euros – elle en a reçu 17 366 de la part de 427 donateurs. Des euros et des encouragements, sur la plateforme de dons Ulule qui a déjà enregistré 400 préventes.

Ces bienfaiteurs ne sont pas nécessairement des femmes homosexuelles. En témoigne ce message de Jordan White du site Popkotidien: « C’est aussi en filigrane un beau geste militant de votre part auquel je m’associe à ma modeste mesure en participant financièrement au projet. Et puis surtout je m’y associe affectivement parce que le sujet me parle, même si je suis hétéro. » Ce public hétérosexuel, l’équipe de Well Well Well aimerait le toucher grâce à un mook qui, en prenant bien évidemment parti en faveur des droits des LGBT, pourrait séduire un public plus large, intéressé par ces thématiques.

Par Hélaine Lefrançois