A Paris, le salon du mariage vient de connaître un grand succès. Voilà donc une institution et une industrie qui prospère… en dépit de toutes les « prophéties apocalyptiques », entendues lors du vote de la loi Taubira. Avec le « mariage pour tous », la civilisation, ratiocinait-on, allait en effet s’écrouler. La faute à l’esprit amoral de Mai 68 qui achevait son travail de sape de l’ordre matrimonial naturel. La barbarie devait déferler dans nos rues… Meilleur démenti aux agitateurs de fantasmes : les couples homosexuels se marient, élèvent des enfants et… divorcent même comme les autres.
Mariage pour tous : « Attention au retournement de tendance », prévient Nicolas Domenach
Il semble que la tolérance gagne du terrain. Il suffit d’assister à un mariage homosexuel pour voir comment une partie des familles, hostiles à la sacralisation de cette union qui les heurte, finissent souvent par l’accepter, puis même par s’en réjouir. Comme dans la très catholique Espagne, les esprits évoluent, passées les crispations. D’ailleurs, très rares sont les maires qui refusent d’en célébrer. Certains même qui avaient voté contre la loi Taubira assurent désormais qu’ils ne l’abrogeront pas, par exemple Christian Estrosi, le député maire de Nice. Il est vrai que sa ville est devenue très gay friendly puisque sa cité, après Paris, est celle où l’on célèbre proportionnellement le plus de mariages homosexuels !
Toutes les folies sont possibles
Certes, Nicolas Sarkozy, s’il revient à l’Élysée, s’est engagé à abroger la loi Taubira. À cette époque candidat à la présidence de l’UMP, il y est allé à reculons sous la pression du lobby anti « mariage pour tous » qui reste très puissant. Maintenant que Nicolas Sarkozy est candidat à la primaire présidentielle de la droite et du centre, il peut être tenté d’en rajouter, puisqu’Alain Juppé ainsi que Bruno le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet, ses rivaux, ont pris, eux, une position claire et nette contre tout retour en arrière, afin de ne pas « ulcérer de nouveau la société ». La droite, d’ailleurs, n’est jamais revenue sur les avancées sociétales qu’elle a pu dénoncer en son temps. En outre, au plan juridique, on ne voit pas comment on pourrait « démarier » les homosexuels passés devant monsieur le maire, ni comment on reviendrait sur le droit à l’adoption que la droite elle-même avait instituée pour tous les couples. Bien sûr, avec les surenchères permanentes de la primaire, toutes les folies sont possibles.
D’autant plus que le lobby de « la manif pour tous » reste puissant, actif, et qu’il compte mobiliser tous ses réseaux pour cette primaire. Il a d’ailleurs déjà remporté des victoires. Ainsi, nombre d’enseignants, qui travaillaient sur l’égalité fille garçon à travers l’école, ont souvent été priés de se taire ou, au mieux, de se faire discrets. La gauche s’est couchée devant la pensée la plus obscurantiste aujourd’hui dominante. Consigne a été passée de ne plus parler de « genre », afin de ne pas faire de vagues. Ce n’est pas un repli tactique, c’est une démission intellectuelle et politique.
Le plus inquiétant toutefois ? Les agressions contre les homosexuels n’ont, hélas, que faiblement diminué. La parole de haine homophobe s’est libérée, et continue de se déverser, en particulier à égout ouvert sur le net. Certes, le mariage homosexuel est mieux accepté en France, mais en dehors de certains quartiers réservés, voyons-nous des amoureux du même sexe, qui se sentent assez libres et respectés, se tenir par la main? Non, ils se cachent pour éviter les regards qui blessent, les mots qui balafrent le cœur. Pourtant, comme on disait chez les bons pères, « avant de briser un cœur, regardez si vous n’êtes pas à l’intérieur »…
Par Nicolas Domenach
(challenges.fr)