En 2009, après un référendum qui avait rendu le mariage gay illégal en Californie, une organisation LGBT a mis en place une stratégie novatrice pour persuader les électeurs: envoyer des bénévoles –de préférence gay– faire du porte à porte dans les foyers qui avaient voté contre le mariage homosexuel.
Un article du magazine BusinessWeek raconte qu’afin de faciliter les conversations, l’organisation Vote for Equality avait recommandé aux militants de demander: que pensez vous du mariage gay? Puis-je vous demander pourquoi vous pensez ainsi? A ce moment, les bénévoles étaient encouragés à parler d’eux mêmes, en gros à expliquer qu’ils étaient homosexuels, ou à parler de leurs proches homosexuels. Souvent, les conversations duraient aux alentours de 20 minutes.
«Après 11.000 visites, il est devenu évident que le simple fait de parler à un homosexuel avait rendu les opposants beaucoup moins résistants à l’idée du mariage gay», écrit le journaliste Sasha Issenberg.
Au final, c’est la Cour Suprême qui, en 2013, a rétabli la légalité des mariages gays en Californie, mais cette idée d’avoir des conversations personnelles pour convaincre les électeurs a attiré l’attention d’un politologue de l’université de Columbia.
Avec l’aide d’un doctorant en science politique, il a conduit une étude pour vérifier l’efficacité de cette technique. (Leur article n’est pas encore publié, mais un résumé est disponible sur le site du thésard Michael LaCour.) Les chercheurs ont envoyé des bénévoles dans mille foyers environ pour parler de mariage gay et ont ensuite interrogé les résidents par téléphone pour mesurer leur changement d’attitude.
En moyenne, la perception du mariage gay est devenue beaucoup plus positive suite à ces conversations. Les chercheurs ont utilisé un «thermomètre de sympathie» allant de 0 à 100 pour évaluer le changement. Avant la conversation, les opposants avaient une attitude proche de celle de la moyenne des habitants du Nebraska (un Etat très conservateur), mais après la discussion, ils étaient plus proches de ce que pensent les résidents du Massachusetts (le premier Etat américain à avoir légalisé le mariage gay en 2004).
Un des détails intéressants de l’étude est que les personnes sondées continuaient à avoir une opinion plus favorable du mariage homosexuel jusqu’à neuf mois après la conversation. Mais cet impact de long terme n’a été mesuré que lorsque le bénévole était homosexuel.
Les politologues ont aussi mesuré un effet de contagion: lorsque l’opposant au mariage gay a eu une conversation avec un militant homosexuel, il en a parlé avec les autres résidents du foyer, qui ont aussi changé d’avis. (Cette contagion n’est pas advenue lorsque le bénévole était hétérosexuel.)
David Fleischer, le militant qui avait créé cette stratégie de persuasion en 2009, aide maintenant une organisation de défense de l’avortement à mettre en place une approche similaire, explique l’article de BusinessWeek. L’idée est notamment d’envoyer des bénévoles qui parlent de leur avortement ou de l’avortement de leurs proches. Comme pour le mariage gay, c’est la connexion personnelle et émotionnelle qui peut faire toute la différence.
par Claire Levenson