La guérison spontanée apparente de deux hommes infectés par le virus du sida (VIH), dont l’un depuis 30 ans, serait due à l’intégration de ce rétrovirus dégradé et neutralisé dans leur ADN, selon les travaux de chercheurs publiés mardi.
Ces deux patients se présentent comme ayant eu une infection par le VIH sans jamais avoir été malades et n’ont jamais eu de virus détectable dans le sang, notent les auteurs dont les résultats sont détaillés dans le journal spécialisé Clinical Microbiology and Infection. Aucun des deux n’a été traité.
« Cette observation représente une piste pour la guérison« , dit à l’AFP Didier Raoult, professeur à la faculté de médecine de Marseille, spécialiste des microbes de la Fondation Méditerranée Infection de Marseille (URMITE/CNRS/Inserm/IRD), co-auteur avec l’équipe du Pr Yves Lévy à Créteil (Inserm), en France.
L’analyse a permis de reconstituer le virus retrouvé dans le génome de ces patients. Les chercheurs ont ainsi pu montrer qu’il était inactivé par un système d’interruptions de l’information délivrée par les gènes du virus. Ce système, dit de « codon-stop« , marque la fin de la traduction d’un gène en protéine. Le virus est ainsi devenu incapable de se multiplier mais reste présent à l’intérieur de l’ADN des patients.
Ces interruptions seraient dues à une enzyme connue, l’Apobec, qui fait partie de l’arsenal des humains pour lutter contre le virus, mais qui est habituellement inactivée par une protéine du virus (la protéine « vif »).
Ce travail ouvre des perspectives de guérison par l’utilisation ou la stimulation de cette enzyme, et de détection, chez les patients nouvellement infectés, de ceux ayant une chance de guérir spontanément, selon les auteurs.
Pour le Pr Raoult, il pourrait aussi conduire à revoir la définition de la guérison qui actuellement repose uniquement sur l’idée de débarrasser l’organisme du virus.
L’infection par le VIH datait de plus de 30 ans pour le patient âgé de 57 ans, diagnostiqué en 1985, qui semble être de surcroît immunisé. La séropositivité du second, un Chilien de 23 ans, a été identifiée en 2011, même s’il a probablement été infecté trois ans auparavant en Amérique du sud.
Aucun n’avait d’autres facteurs de résistance au VIH connus (mutation de la serrure, CCR5, qui permet au VIH d’infecter les cellules).
Ce travail repose sur l’hypothèse que le virus du sida, qui est un rétrovirus s’intègrant dans l’ADN humain, doit avoir le même destin que les centaines de rétrovirus déjà été intégrés dans les ADN des mammifères, dont l’Homme.
Cette hypothèse provient aussi d’une observation faite chez des koalas qu’un virus de singe, cause de cancers et de leucémies, ne rend plus malades après l’intégration et la neutralisation du virus dans leur génome, explique le Pr Raoult.
« Chez les koalas devenus résistants à ce virus de gibbon, par ce même phénomène d’intégration ou d’endogénisaton, la résistante est transmissible à la descendance », relève le Pr Raoult.
Pour les chercheurs, ce mécanisme a été probablement très commun au cours d’épidémies précédentes. Ils estimaient donc logique de penser qu’il se produirait chez un certain nombre de patients infectés par le virus du sida.
AFP