Le 14 janvier 2011, après un mois de manifestations réprimées dans le sang, Zine El Abidine Ben Ali, qui tenait la Tunisie d’une main de fer depuis 23 ans, prenait la fuite vers l’Arabie saoudite à la surprise générale, provoquant une onde de choc dans le monde arabe.
Le matin même, des manifestants avaient bravé la peur pour crier « Dégage » au dictateur sur l’avenue Bourguiba, non loin du ministère de l’Intérieur. C’est cette avenue symbolique qu’une foule aux revendications diverses a arpentée jeudi, agitant des drapeaux tunisiens sous l’oeil des nombreux policiers déployés, le pays étant devenu une cible majeure des djihadistes.
« Injustice sociale, torture, impunité… », rejoignant dans la « ferveur » ces milliers de Tunisiens regroupés en famille ou entre amis, une poignée de militants associatifs ont « osé » appeler à l’abrogation de l’article 230 du code pénal, qui criminalise l’homosexualité. Hérité du protectorat français, le texte viole en l’occurrence l’article 24 de la Constitution « supposée » garantir la « protection de la vie privée ».
« Une révolution, une nouvelle Constitution et un prix Nobel de la paix n’ont pas suffi ! »
Très vite, ils ont été pris à partie et menacés par d’autres manifestants et badauds : « On s’est fait copieusement insulter de « pédés », de « malade mental » etc., et par à peu près tout le monde », nous explique Ramy, qui milite également pour notre association. « Il y avait un membre de Shams et Amina (ex activiste de Femen). Il fallait éviter les dérapages. Et du coup, la police nous a protégé. »
Dans un pays qui s’enorgueillit d’incarner une transition démocratique exemplaire dans le monde arabe, l’amertume est partagée « Nous étions moins d’une dizaine et on a failli se faire lyncher malgré la protection policière… mais les « Dégages » ne nous ont pas arrêté », déclare Najma, qui a également participé à la marche : « Ce n’est que le début et le combat continue ! »
Joëlle Bertout
stophomophobie.org