Elue personnalité exceptionnelle de l’année 2012 par le New Yorker, l’avocate camerounaise, lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité au Cameroun.
Née en 1945 au Cameroun, Mme Alice Nkom devient en 1969, à l’âge de 24ans, la première femme avocate au barreau de Douala et fonde en 2003, l’Association de défense des Homosexuels du Cameroun (Adefho).
Bonjour et merci de nous faire honneur en répondant à nos questions. Qui est réellement Mme Alice Nkom ?
Me Alice NKOM est une Avocate camerounaise qui fait ce métier depuis plus d’une quarantaine d’années, mère de deux enfants biologiques et riches de milliers d’autres qui ont bien voulu d’elle, qui l’appellent affectueusement« MOM » ? LA MERE ? Ou tout simplement MAMAN et la comblent de mille attentions où qu’ils se trouvent dans le monde. Grâce à eux, elle n’est jamais seule et isolée nulle part et se sent très fière, très riche et très forte ! Je les aime et souhaite qu’ils puissent tous bénéficier de mon expérience de vie que je mets à leur disposition avec plaisir, ainsi que ma disponibilité à les accompagner dans ce difficile itinéraire qu’est la vie aujourd’hui au Cameroun
À côté de cela, je suis aussi une grand-mère biologique comblée de 8 magnifiques petits-enfants auxquels je n’oublie pas d’ajouter tous les autres, nombreux également que j’ai à travers le monde.
Je suis du même signe astrologique que Jésus-Christ, le plus célèbre d’entre nous bien sûr, comme étant née le 14 janvier 1945 : nous sommes du Capricorne.
Je suis une actrice engagée de la société civile, et je crois lutter pour le respect de la dignité de tous les ETRES HUMAINS, sans distinction aucune, dans un monde débarrassé de toutes discriminations
Chacun de nous, à une définition propre à lui de la culture, et vous, comment la définissez-vous ?
La culture est l’expression d’un ensemble de valeurs universelles partagées par tous, quelque que soit le lieu, et qui de ce fait acquiert le caractère imprescriptible qui l’inscrit dans la durée
Quels sont vos plus beaux moments, souvenir culturel ?
Ma vie est une histoire d’amour ininterrompue : chacun est fait d’amour et comme vous le savez, l’amour est embellissant….
Pour préparer à bien, cet entretien, je me suis permis de donner la parole aux gens de paris, et de Bruxelles. On dit de vous : « C’est la Nelson Mandela version féminine », et d’autres vont même jusqu’à se demander : « Pourquoi n’élargit-elle pas ces champs d’action jusqu’en Ouganda, au Nigeria, etc… ». Que pouvez-vous répondre à ses frères, et sœurs d’Afrique et d’ailleurs, qui attendent de lire avec impatience vos réponses…
C’est un immense honneur dont je suis très fière, d’être la « NELSON MANDELA VERSION FEMININE » dans la perception que les gens de Paris et de Bruxelles ont de ma modeste personne.
Dans la vie, on s’inspire de ce que les aînés où qu’ils se trouvent, ont déjà fait et on doit pouvoir avoir à cœur de préserver, puis de développer les acquis pour que leur sacrifice ne soit pas vain. Je suis convaincue que c’est de cette manière que l’on peut chacun à son niveau ; ajouter sa petite pierre au progrès de l’humanité.
Il s’agit de bien gérer l’héritage dans ce qu’il a de constructif pour l’humanité sans discrimination, sans vraiment lui donner un visage particulier, mais seulement en agissant selon les valeurs qui le caractérisent, quelque soit le lieu géographique et toute autre différence qui pourrait faire oublier notre nature et notre destin commun d’êtres Humains.
À mes frères, sœurs, j’adresse un message d’amour et d’espoir ; deux choses qui se pratiquent, se construisent et ceci demande la contribution de chacun !
Les droits de l’Homme, pour vous se résument à quoi ?
Mandela s’est battu, sacrifié pour un combat qui était juste, et qui reposait sur les valeurs universelles d’égalité et de liberté ; battues en brèche par le régime de l’Apartheid.
Est-il satisfait des résultats de ses efforts, s’est-il approché de ses objectifs, les a-t-il vus prendre la voie qui mène à ses idéaux ? Quel chef d’Etat africain a envie de suivre son exemple ?
Quelque soit la réponse que l’on pourrait donner à ces questions, je suis convaincue qu’il faut avoir l’Homme au centre de toutes nos préoccupations, et le traiter avec respect en toutes circonstances pour son meilleur épanouissement.
Nous avons accusé une minute de silence à l’annonce de la mort d’un journaliste activiste des droits de l’Homme, qui luttait comme vous, pour la dépénalisation de l’homosexualité au Cameroun. Est-ce que la lutte contre l’homosexualité en Afrique est considérée comme un acte de « racisme » contre les colonisateurs ? :
Les Camerounais ont tendance à rejeter la « malédiction de l’homosexualité sur le colonisateur et de ce fait à justifier leur homophobie comme on justifierait une riposte : un soulèvement contre un oppresseur… Tout cela à cause de l’histoire d’un homme : le Dr Aujoulat, qui a incarné l’Autorité coloniale juste avant l’indépendance, à qui on attribue des vices lui ayant permis de maintenir et de pérenniser le pouvoir de la France en ne plaçant dans l’Administration que ceux qu’il assujettissait par le sexe…
C’est une rumeur qui circule de génération en génération et que les homophobes utilisent à toutes les sauces pour attiser et répandre le rejet, y compris par la violence, sur des homosexuels.
Personne ne dit que le Dr Aujoulat est arrivé au Cameroun, qu’il était âgé d’à peine 23 ans :
– Qu’il avait épousé une jeune femme de 19 ans avec laquelle il a vécu aux mêmes conditions. Et à cette époque au milieu des Autochtones, et dont il a eu 6 enfants, et a travaillé avec les Autochtones en tant que médecin pour améliorer leurs conditions de vie.
– Qu’il s’était totalement intégré et parlait parfaitement l’Ewondo (l’une des langues locales). Avait des liens très étroits avec l’Eglise Catholique et a cofondé AD LUCEM dont on connaît le travail et les bienfaits jusqu’à nos jours ; qu’il a créé des structures ayant formé et employé des centaines d’Autochtones
– Qu’il a collaboré étroitement avec le Dr JAMOT pour éradiquer toutes sortes de maladies tropicales,
– Qu’il a été député camerounais, qu’il a été notre Dr Albert Schweitzer même si la notoriété n’était pas sa première préoccupation.
Entre autres, que pour la moitié de ce qu’il a fait au Cameroun, il a un monument érigé à sa mémoire à BOBO-DIOULASSO, au Burkina-Faso, tandis qu’au Cameroun, on a retenu que son homosexualité supposée pour réduire à néant l’immense et beau travail accomplit chez nous !
Il est mort malheureux de voir que la corruption, les détournements de deniers publics, le tribalisme, le favoritisme étaient devenus le mode opératoire dans la gestion des institutions et même au niveau de AD LUCEM …. Beaucoup de Camerounais qui nourrissent leur homophobie selon ce critère ne savent pas de quoi ils parlent : ils s’encombrent de ces idées reçues qui ne reposent sur rien, et se bloquent toutes les portes d’une réflexion constructive aussi bien pour eux-mêmes que pour leur pays. Ainsi passons-nous à côté de tous les grands rendez-vous de l’histoire ayant bloqué la nôtre pour l’avoir défigurée depuis longtemps. On est en permanence à la recherche d’un bouc-émissaire, quitte à l’inventer s’il n’existe pas !
Avez-vous reçu des menaces dans votre combat ou des intimidations ? :
J’ai reçu, comme beaucoup de membres de la Communauté LGBT, leurs amis et leurs défenseurs, des menaces de mort et j’en reçois continuellement sur internet, par des gens qui veulent me réduire au silence et ramener homosexuel dans le placard d’où il ne devait jamais sortir
Comment vivez-vous votre quotidien dans cette lutte ? :
Je fais tout pour que mon quotidien conserve sa normalité, celle d’une personne qui pose des actes de tous les jours en y apportant désormais toute la sécurité nécessaire
Depuis combien d’années avez-vous commencé cette lutte et comment a-t-elle évolué depuis le début ? :
J’ai pris la décision de me battre pour les droits des LGBT au début de l’an 2003, à la suite de la visite que j’ai reçue de jeunes gens venus passer des vacances au Cameroun, et qui manifestaient l’insouciance de ceux qui ne savent pas que l’homosexualité est un délit au Cameroun, contrairement à ce qu’ils vivent en France. J’ai tenu à le leur faire savoir et je n’ai pas supporté la souffrance qui se lisait après sur leurs visages. Ceci m’a culpabilisée et j’ai décidé qu’il fallait faire plus que de faire des annonces attristantes aux gens qui ne demandent qu’à aimer, se faire aimer et vivre tranquillement leur vie
Quels sont les principaux obstacles que vous avez eus ? :
Les premiers obstacles sont apparus immédiatement au niveau de la Préfecture où j’ai déclaré ADEFHO (l’Association pour la défense de l’Homosexualité). Le Préfet s’est opposé à la légalisation d’une telle association pour cause d’immoralité et d’illégalité.
C’est au terme d’un entretien qui a duré plusieurs heures que je l’ai convaincu que nous étions en face d’un droit fondamental de l’État qui par sa constitution, s’est engagé à protéger et à garantir à tous …
Mais la Préfecture continue à violer la loi qui prévoit : du fait d’un rejet formel et motivé dans les deux mois qui suivent la déclaration, le silence du Préfet vaut acceptation et dans ces conditions, il doit délivrer un récépissé qui matérialise la légalisation au niveau des tiers.
Nous réclamons, en vain ce récépissé auquel la loi nous doit.
Dans les discours officiels, on continue à nous chanter que nul – pour nous, cela veut dire : même pas le Préfet – n’est au dessus de la loi ! C’est cela qu’on appelle l’Etat de Droit !
Quels sont vos futurs projets ? :
Poursuivre le combat au niveau des autorités judicaires, notamment au niveau de la Cour Suprême qui aura à se prononcer sur la légalité de l’article 347 bis du Code Pénal ainsi que sur la hiérarchie des normes internationales et nationales
Nous nous référons à la dépénalisation de la ségrégation dans l’État de l’Alabama (États Unis) dans le célèbre cas de ROSA PARKS. Dans ce dernier cas, la loi obligeait le noir à céder sa place dans les bus, et c’est la violation de cette règle qui a valu une peine d’emprisonnement à ROSA PARLS, décision qui sera cassée plus tard par la Cour Suprême des Etats-Unis comme contraire à la Constitution des Etats-Unis consacrant ainsi les valeurs d’égalité de droits en condamnant toutes les discriminations.
Quels Messages, voulez-vous apporter, partager avec ceux qui vous liront ?
Les droits de Homosexuels sont les droits de l’Homme : respectons la différence, laissons chacun gérer sa spécificité et mettons nous au travail pour les combats communs, que sont la pauvreté, la maladie, le sous-développement.
Faisons de la diversité un atout, une richesse et surtout ne nous trompons pas d’ennemis : discriminer, exercer de la violence, emprisonner, tuer les homosexuels n’apporte rien à l’Humanité, ne fait rien avancer du tout.
Etre homosexuel ne vous enlève pas votre humanité, ne nuit à personne et ne constitue pas en soi un fait dommageable pour autrui. Ce n’est pas le cas de la corruption, des détournements et de la mauvaise gestion des ressources publique, au contraire.
Je ne comprends pas ceux qui utilisent le mot « fléau » – grand désastre qui touche une population – pour justifier leur homophobie, qu’ils revoient le dictionnaire ! Les vrais fléaux pour l’Afrique, ce sont ces guerres fratricides qu’on nous impose dans les luttes pour le pouvoir pour quelques-uns, c’est la pauvreté , c’est le manque de vison de nos dirigeants, et le peu d’intérêt qu’ils portent à leur populations à qui, il manque même de l’eau potable et des centres de santé, ; ne parlons pas de routes, et autres infrastructures de base qui nous maintiennent dans la souffrance. Voilà pour moi, ce que nous avons en commun et que nous devons combattre ensemble.
Source Culturebene.com