L’Assemblée nationale a voté jeudi un amendement au projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle, modifié par le gouvernement, visant à faciliter le changement d’état civil pour les personnes transgenres. Au vu d’un hémicycle très dégarni, le socialiste Erwann Binet, favorable à une procédure «démédicalisée, rapide et gratuite», a ironisé sur «l’absence bienveillante de l’opposition sur cette question».
En France, on estime entre 10 000 et 15 000 le nombre de personnes ayant engagé ou achevé un parcours de transition sexuelle, affirment les défenseurs de la mesure. Alors que leur droit à modifier la mention de leur sexe à l’état civil est garanti par la CEDH depuis près de 25 ans, rien n’est prévu dans la loi et la Cour de cassation a adopté une jurisprudence contraire aux recommandations de la Halde, de la CNCDH, et du Conseil de l’Europe, indique l’exposé de leur amendement.
Cela laisse une large place à l’interprétation des juges, entraînant de fortes disparités sur le territoire. «Une histoire marquée par la souffrance, la violence des institutions», a résumé le radical de gauche Alain Tourret. «Plus qu’une simple normalisation administrative, la modification de la mention du sexe à l’état civil apparaît donc pour les personnes transgenres comme l’enjeu central de la protection de leurs droits fondamentaux», plaident les porteurs de la mesure.
Initialement, leur texte prévoyait qu’un requérant devrait apporter à un procureur, qui aurait trois mois pour statuer, des documents de son choix, «sans qu’aucune condition médicale ne soit exigible ni suffisante à rejeter la demande». Une saisine du TGI était prévue dans les seuls cas où le procureur motivait un doute sérieux sur la sincérité des documents. «Ce n’est pas un amendement militant, mais réfléchi», a défendu la socialiste Pascale Crozon, évoquant le soutien d’Amnesty International. Certaines associations auraient souhaité plus, comme évoqué par l’écologiste Sergio Coronado.
Sur ce «sujet évidemment sensible», le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a affiché le soutien du gouvernement à «l’objectif», mais proposé des changements, via trois sous-amendements, par souci affiché de «sécurité juridique». La requête devra ainsi se faire devant le tribunal de grande instance, non devant le procureur. Par ailleurs, la demande suppose «une réunion suffisante de faits» démontrant l’appartenance sincère et continue au sexe opposé à celui indiqué dans l’acte de naissance, prévoit aussi un sous-amendement.
Et le texte tel que réécrit par le gouvernement stipule que «le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne pourra fonder un refus de faire droit à la demande». «La démédicalisation est la question principale de ce souci de changement de sexe à l’état civil», a observé Erwann Binet.
AFP