La France vient une nouvelle fois d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour ses réticences à reconnaître la filiation des enfants français suspectés d’être nés par le recours à la Gestation Pour Autrui (GPA).
Saisie par deux pères, Didier Foulon et Philippe Bouvet, qui se battent depuis 6 ans et 7 ans devant les tribunaux pour obtenir la retranscription à l’état-civil des actes de naissance indiens de leurs enfants nés à Bombay d’une mère porteuse, la Cour a conclu à l’unanimité qu’il y avait eu violation de leur droit à la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle condamne par conséquent l’Etat à verser 5 000 euros à chacun des enfants concernés pour « dommage moral », et 15 000 euros à chaque famille au titre des frais de procédure.
Rappelons qu’en la matière la France a déjà subie une double condamnation par la CEDH en juin 2014 concernant les enfants Mennesson et Labassée, deux couples hétérosexuels ayant eu recours aux services d’une mère porteuse aux Etats-Unis. Les magistrats européens avait alors estimé que la France pouvait interdire la GPA sur son territoire, mais qu’elle ne pouvait refuser de reconnaître les enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger. Une procédure du reste toujours en cours. Le 11 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes a en effet contraint l’Etat à délivrer des actes de naissance aux deux enfants des époux Mennesson mais le parquet a fait appel.
L’Association Des Familles Homoparentales (ADFH) exhorte également le gouvernement à prendre toutes les dispositions relatives à la protection de ces enfants français « au même titre qu’il le fait déjà pour tous les autres enfants français nés à l’étranger.
« Rares sont les pays dans le monde qui accordent plus ou moins de droit à un enfant en fonction de ses conditions de naissance. Plus rares encore sont les pays républicains qui osent trier les enfants entre eux en fonction de leur état civil de naissance. Reprocher à un bébé ses conditions de naissance pour lui accorder plus ou moins de droit est une indignité nationale. Bafouer le droit à ce point, nier les conventions internationales de protections de l’enfance sont autant d’infractions qui ne trouvent des explications que dans des postures électoralistes bancales. Postures qui sont de surcroit à rebours de l’opinion des Français et qui vont à l’encontre de notre Etat de droit », souligne l’ADFH, déplorant dans son communiqué que « ces imbroglios administratifs et judiciaires fassent le jeu du gouvernement qui souhaite apparaitre comme celui qui n’encourage pas le recours à la GPA, quitte à jeter l’argent public dans des procédures judiciaires où il se fait systématiquement condamner (Cf Triple condamnation du préfet de Paris en avril 2016). »
Selon les données transmises par le gouvernement au Conseil de l’Europe, 34 transcriptions d’actes de naissance étrangers ont eu lieu entre la condamnation de juin 2014 et le 1er janvier 2016. « Seules certaines configurations fonctionnent », décrypte dans LeMonde Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales. « Quand le père est seul sur l’acte de naissance, quand l’acte mentionne un père et une mère porteuse ou quand il mentionne un couple d’hommes, dès lors que le père d’intention a adopté l’enfant après sa naissance. » Il y a en revanche blocage quand un parent non biologique est mentionné (mère d’intention ou père d’intention dans un couple homosexuel), ce qui est le cas par exemple quand une GPA à lieu dans certains états des Etats-Unis.
Pour mémoire, la GPA est prohibée en France, avec des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Elle est en revanche autorisée, explicitement ou implicitement, dans des pays tels que le Royaume-Uni, certains États des États-Unis, le Canada ou l’Inde.