La justice brésilienne autorise le mariage pour tous ;)

Les unions de couples gays et lesbiens étaient déjà techniquement possibles dans certains Etat, mais la justice a généralisé la mesure à tout le pays.

Le Conseil national de justice vient ainsi d’autoriser le mariage des couples homosexuels. La décision n’a pour autant pas la même force qu’une loi et l’opposition risque d’être farouche dans le premier pays catholique du monde.

Les homosexuels brésiliens pourront désormais se marier dans tous les États du Brésil. Le Conseil national de justice (CNJ), une institution chargée de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, a rendu ce mardi une décision obligeant tous les tribunaux publics, qui célèbrent les unions, à enregistrer les mariages de personnes de même sexe.

Le texte prévoit également que les unions civiles – contrats visant à accorder une reconnaissance légale des couples gay – conclues par le passé soient automatiquement converties en mariages. L’union civile a été entérinée en mai 2011 lors d’un vote historique de la Cour suprême du pays.

« Un traitement discriminatoire »

Le CNJ s’est appuyé sur les arguments alors développés par la plus haute instance juridique du pays pour faire passer la résolution. « La [Cour suprême] affirme que l’expression de la sexualité et des sentiments homosexuels ne peut servir de fondement à un traitement discriminatoire, qui ne trouve aucun support dans le texte de la Constitution fédérale de 1988 », a rappelé Joaquim Barbosa, président du CNJ.

Le texte a été approuvé par 14 voix contre une. Jusqu’à présent, seuls 12 des 26 États de la fédération, ainsi que le district fédéral, autorisaient le mariage entre personnes du même sexe. Environ 1 300 unions y ont été célébrées en l’espace d’un an.

Une loi en discussion depuis des mois au Congrès

Si elle se veut historique, la décision du Conseil national de justice n’a pour autant pas force de loi. Un texte legislatif est pourtant bel bien en discussion au Congrès, mais les débats traînent en longueur depuis des mois, et, en l’absence d’une décision, les tribunaux locaux se devaient d’étudier au cas par cas chaque demande de mariage homosexuel ainsi que les régimes régissant la vie commune (la gestion des biens et l’adoption des enfants). « Il aurait été absurde d’attendre que le Congrès se décide », a estimé Joaquim Barbosa, exhortant le Parlement brésilien à statuer sur la question.

Dans le plus grand pays catholique du monde, où l’Église compte quelque 123 millions de fidèles, l’opposition au mariage gay est farouche. En avril dernier, l’Église brésilienne a même excommunié un prêtre qui refusait de se rétracter après avoir exprimé son soutien aux homosexuels.

336 crimes homophobes en 2012

Depuis 2009, les associations de défense des gays et lesbiennes se battent pour faire reconnaître leurs droits dans un pays où le nombre de crimes homophobes atteint des sommets. En 2011, l’association Groupe gay de Bahia (CGB) avait dénombré près de 3 200 meurtres de ce type depuis 1980. Soit 110 chaque année. Et la courbe ne tend pas à s’inverser : dans la seule année 2012, 336 meurtres homophobes ont été enregistrés – 26 % de plus que l’année précédente.

Parallèlement à leur combat pour la reconnaissance du mariage homosexuel, les associations pressent les élus d’adopter une loi pénalisant ces agressions. Mais face à des groupes catholiques et évangéliques très influents qui s’y opposent férocement, leurs revendications ont peu de poids. Les lobbies religieux ont d’ailleurs réussi à faire oublier ce projet de loi, que plus aucun député n’évoque au Congrès depuis des mois. Un silence qui n’étonne pas outre-mesure : dans cette même Assemblée, malgré la devise positiviste d’Auguste Comte « Ordre et progrès » inscrite sur le drapeau brésilien qui flotte à l’extérieur du bâtiment, les élus continuent de siéger, imperturbables, sous un crucifix.

Gaëlle LE ROUX
http://www.france24.com/fr/20130514-bresil-mariage-homosexuel-autorise-legal-justice-homophobie-crimes-gay-lesbiennes