L’Ouganda inflexible sur sa législation homophobe malgré les sanctions américaines

Pour répliquer à cette loi qu’ils jugent « infâme » et qui a soulevé un tollé en Occident, les Etats-Unis ont annoncé jeudi une série de sanctions contre l’Ouganda, pays qui est pourtant l’un de leurs alliés-clés en Afrique de l’Est.

Cette loi, adoptée en février par Kampala, réprime la « promotion de l’homosexualité » et oblige à dénoncer des homosexuels, qui pouvaient déjà être condamnés à la prison à vie.

Si Washington a décidé notamment de suspendre le financement de programmes destinés à Kampala, le gouvernement du président ougandais Yoweri Museveni s’est voulu imperturbable, minimisant l’impact de ces mesures. « Nous ne pouvons pas forcer les Américains à nous donner leur argent », a déclaré à l’AFP le porte-parole du gouvernement ougandais, Ofwono Opondo.

« Les Ougandais savent maintenant qu’ils sont de moins en moins dépendants de l’aide des donateurs », ils ont appris à « payer (leurs) factures », a-t-il ajouté.

Parmi les sanctions prises par le département d’État américain figurent aussi des interdictions de visas pour des « responsables ougandais impliqués dans de graves violations des droits de l’homme« , notamment contre les gays.

Des ONG ont affirmé que le durcissement de la législation réprimant l’homosexualité avait entraîné une forte hausse des violences visant les personnes LGBT.

Human Rights Watch et Amnesty International déclaraient, dans un rapport conjoint en mai, que la législation avait provoqué « une hausse des violations des droits » des homosexuels, arbitrairement arrêtés, licenciés, expulsés de chez eux et agressés en Ouganda.

« Au moins une personne transgenre a été tuée depuis que la loi a été promulguée, un crime qui semble motivé par la haine », écrivaient les deux ONG. Le gouvernement ougandais a rejeté vendredi ces accusations, assurant n’avoir reçu « aucune plainte » ni « la moindre information faisant état d’une personne gay qui aurait été intimidée ou harcelée ».

« Concernant les sanctions visant des officiels ougandais qui auraient intimidé des lesbiennes ou des gays, que (les Américains) ne soient pas lâches et qu’ils rendent publiques leurs informations sur ceux qui seraient impliqués », a lancé le porte-parole Ofwono Opondo. Il a aussi balayé l’impact des interdictions de visas annoncées par Washington. A l’heure des « cybertechnologies modernes », « nous ne pensons pas qu’ils soit essentiel pour les Ougandais de voyager en Amérique ou dans n’importe quel autre pays », a-t-il dit.

Campagne de haine

Jacqueline Kasha, célèbre militante de la cause homosexuelle en Ouganda, a salué les sanctions américaines: « l’impact sera immense (pour le pays, ndlr) mais il fallait que l’Ouganda rende des comptes ». « Nous avons une campagne de haine parrainée par l’Etat au-dessus de nos têtes. Il y a un climat d’anxiété, de dépression et d’inquiétude », a-t-elle dit.

« Après l’adoption de la loi, nous avons vu d’autres pays menacer de faire la même chose, comme le Kenya, l’Ethiopie et la Tanzanie. Ces mesures fortes contre l’Ouganda enverront donc un message clair aux autres pays: leurs décisions et leurs actions inhumaines auront des conséquences », a ajouté Jacqueline Kasha.

Cette dernière fait partie des militants et organisations de la société civile qui ont saisi la Cour constitutionnelle ougandaise pour obtenir l’annulation de la loi controversée.

La population ougandaise est majoritairement favorable à la nouvelle législation et l’opposition accuse le président Museveni, au pouvoir depuis 1986, de l’avoir promulguée en vue de la présidentielle de 2016.

Les Etats-Unis et l’Ouganda restent toutefois des alliés et coopèrent notamment pour la traque du chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), Joseph Kony, recherché par la Cour pénale internationale et Washington.

Cette collaboration militaire n’est pas remise en cause, pas plus que l’aide humanitaire, et les programmes gelés ne représentent qu’une faible partie de l’aide américaine.

L’Ouganda est loin d’être une exception sur le continent: près des trois quarts des pays d’Afrique disposent de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité, souvent héritées des lois coloniales. Début 2014, le président nigérian Goodluck Jonathan a promulgué une loi très critiquée sur la scène internationale, qui interdit les unions entre personnes de même sexe et restreint les droits des homosexuels.

AFP