Le Premier ministre Manuel Valls a défendu vendredi, dans un entretien à « La Croix », la famille comme « un repère, un pôle de stabilité », durcissant la ligne gouvernementale contre la gestation pour autrui (GPA), à deux jours de la « Manif pour tous », contre la politique familiale et sociétale de l’exécutif.
Réaffirmant la position de François Hollande – la GPA « est et sera interdite en France » – le Premier ministre annonce au quotidien chrétien que la France « exclut totalement » d’autoriser « la transcription automatique » des actes de filiation d’enfants nés par mère porteuse à l’étranger, « car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA ».
Il est incohérent de désigner comme parents des personnes ayant eu recours à une technique clairement prohibée tout en affirmant qu’ils sont responsables de l’éducation des enfants, c’est-à-dire chargés de la transmission de nos droits et de nos devoirs. Il ne faut pas laisser dire non plus que ces enfants sont sans filiation ni identité. Ils ont une filiation et une identité, mais établies à l’étranger », plaide Manuel Valls.
Ce point focalise les critiques des opposants à la GPA après la condamnation de la France par la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH), du fait se son refus de transcrire des actes réalisés aux Etats-Unis à la suite de naissances par mère porteuse.
GPA : « Une pratique intolérable »
Fin juin, le gouvernement avait refusé de faire appel des arrêts de la cour européenne. Cette décision avait suscité des protestations à droite et du côté de la Manif pour tous, qui a fait de la GPA son nouveau cheval de bataille après sa mobilisation contre le mariage homosexuel.
Manuel Valls juge que le recours aux mères porteuses est « une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes », même si le gouvernement se laisse « le temps de la réflexion » sur le cas des enfants nés par GPA à l’étranger en ce qui concerne les questions du substitut à l’autorité parentale, du droit à hériter ou de la nationalité.
La France compte d’ailleurs promouvoir « une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l’interdisent », indique le Premier ministre, annonçant des « initiatives » en ce sens « dans les semaines qui viennent ».
PMA : « Nous n’avancerons pas plus loin sur cette question »
Quant à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes, actuellement interdite, « la position du gouvernement sur ce sujet est claire », selon Manuel Valls : « Nous n’avancerons pas plus loin sur cette question tant que nous n’aurons pas l’avis du Comité consultatif national d’éthique ».
Critiqué pour les coupes de 700 millions d’euros dans la politique familiale annoncées dans le budget 2015, le Premier ministre exprime par ailleurs son attachement à la famille, qui, « dans ces moments de crise d’identité, est un repère, un pôle de stabilité ».
« Dans un monde ouvert où tout s’achète, où tout se vend (…) le rôle de la loi, c’est de poser des limites, de garantir un socle de principes qui organisent la vie en société. C’est la philosophie de mon gouvernement », clame-t-il.
Sur le volet budgétaire, la politique familiale « ne porte qu’une très faible part » des 21 milliards d’économies. « Les choix que l’on a faits pourront être discutés au Parlement, mais je ne laisserai pas dire que ce gouvernement mène une politique hostile aux familles ».
« Apaisement »
Quant aux manifestations prévues dimanche à Paris et à Bordeaux, le Premier ministre dit « comprendre les inquiétudes » et être « respectueux des convictions », prônant « l’apaisement ».
Et si « personne ne reviendra sur (l’)avancée » du mariage homosexuel, Manuel Valls concède que lors du débat houleux qui a précédé son adoption en mai 2013, le gouvernement – alors mené par Jean-Marc Ayrault – aurait pu mieux faire.
« Peut-être avons-nous sous-estimé, à l’époque, le fait que dans une période de crise économique, de crise de confiance, de crise d’identité, ces débats pouvaient faire surgir des courants politiques, notamment de l’extrême droite, qui ont cherché à se reconstituer sur le dos de ceux – nombreux – qui avaient des convictions sincères », estime-t-il.
AFP avec le Nouvelobs