>> Finding refuge in Russia’s first LGBT shelter
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Suite à l’émotion suscitée par la situation des homosexuels, détenus et torturés, en Tchétchénie, le « Moscow Community Center », groupe communautaire de soutien, a réussi à lever des fonds pour ouvrir en avril dernier un centre d’accueil pour les victimes.
Le foyer reçoit depuis le mois d’octobre, « toutes les personnes LGBT qui souffrent, rejetées par leur famille ou parce qu’elles ont perdu leur emploi, ou encore été agressées », a expliqué à l’AFP Olga Baranova, la directrice du groupe.
Situé dans un complexe sécurisé en périphérie de Moscou, il peut recevoir jusqu’à 14 résidents, pendant six semaines, dans des chambres de deux ou trois lits.
« Nous avons reçu 37 demandes en un mois, de toute la Russie y compris Moscou et le Grand Nord, soit bien plus que le nombre de places disponibles », ajoute Olga Baranova. La plupart sont des hommes homosexuels, pour un cinquième des femmes et 25%, des personnes trans. « Le centre assure en outre un accompagnement juridique mais choisit en priorité ceux qui ont des projets réalistes pour l’issue de leur séjour et tente d’aider les autres. »
Nicole, originaire d’Azerbaïdjan, ex-république soviétique du Caucase, y a trouvé le répit, « après avoir passé neuf mois enfermée » par ses parents, qui l’ont régulièrement battue parce qu’elle s’était notamment laissée pousser les cheveux. Elle a eu récemment recours à une opération d’ablation des testicules. Faute de pouvoir prendre ses hormones, elle se souvient « des pensées suicidaires qui l’ont habité pendant ces longs mois passés sur un canapé ».
« Quand je suis arrivé ici, je ne pouvais pas me tenir debout, mes muscles étaient atrophiés. Je me battais contre moi-même, contre mon moi intérieur, contre mon apparence. »
Ses parents l’ont finalement laissée partir et l’ont même aidée à acheter un billet pour la Russie, avec cette promesse toutefois de la tuer dans l’éventualité de son retour un jour dans la région, avant de se suicider également.
Elle espère désormais pouvoir s’installer aux Pays-Bas : « Je dois encore subir plusieurs opérations, je veux construire une nouvelle vie et obtenir de nouveaux papiers d’identité. Ici, ce n’est pas possible. »
Grigori Tchibirov vient de Vladikavkaz, en Ossétie du Nord, dans le Caucase russe. Lui aussi se sent « en sécurité » dans ce premier foyer, « avec des gens qui me ressemblent », dit-il. « Tout le monde est sympa et on se soutient les uns les autres ». Qui pour le faire autrement ?, poursuit le jeune homme de 22 ans.
Il a quitté sa région, limitrophe de la Tchétchénie, car ses parents et frères avaient « honte de son orientation sexuelle ». Harcelé depuis son plus jeune âge, il a été licencié de plusieurs emplois et sa famille l’a même forcé à se raser les cheveux quand il les a décolorés. Il craignait pour sa vie.
Grigori espère déménager en France et travailler dans le secteur de la mode. Il n’a aucun espoir que la tolérance s’améliore dans son pays. « Peut-être dans 50 ou 100 ans ? Mais c’est peu probable tant que Poutine est au pouvoir », estime-t-il, citant, parmi d’autres, la loi promulguée en 2013 réprimant la « propagande » homosexuelle envers les mineurs, symbole du retour en force des « valeurs traditionnelles » prônées par les autorités ces dernières années.
Quasiment aucune célébrité LGBT ne s’affiche publiquement en Russie et les manifestations publiques dédiées à la communauté sont systématiquement interdites et dispersées par la police.
Nika, 31 ans, qui prévoit aussi de partir pour la France pour y suivre un traitement hormonal et se faire opérer, dit avoir gagné une seconde famille, lorsqu’elle évoque ce refuge, qui lui a apporté un toit et la sécurité. Elle était menacée depuis des années par ses proches, en république de Karatchaïévo-Tcherkessie, dans le Caucase toujours.
Selon un rapport publié cette semaine par le Centre indépendant de la recherche sociale (CISR), les crimes haineux visant la communauté LGBT en Russie ont doublé en cinq ans, depuis l’entrée en vigueur donc de la législation anti-LGBT, qui a « renforcé la stigmatisation ».
Les « agresseurs sont plus offensifs », déplore Svetlana Zakharova, membre du conseil d’administration du Réseau russe LGBT, qui note cette recrudescence, comme d’ailleurs pour les condamnations des délits LGBTphobes. En 2010, il y avait 18 de recensés. En 2015, il y en a eu 65, sur la seule ville de Saint-Pétersbourg, précisent les chercheurs.
Valentine Monceau
stophomophobie.com
photo : AFP