Je ne veux pas me réduire à ma sexualité. Elle n’est pas un élément qui domine ma personnalité. L’homosexualité n’est pas une identité, ni une culture, ni une communauté. Je suis homosexuel au moment où je suis amoureux et que je suis en face de cet autre qui est comme moi. L’homosexualité intervient à cet instant précis et en dehors de cette connexion avec l’autre, je suis un million d’autres choses et je cumule des dizaines d’identités culturels. Tant que je ne suis pas certain de cet amour, je ne suis certain de rien en réalité. Cette homo-affectivité que je vis, ne peut me stigmatiser, me définir ou me caractériser. C’est la raison pour laquelle l’homosexualité ne peut se réduire à un groupe social, des traits de caractères ou à des communs.
Dès qu’on parle de l’homosexualité, on pense à la marche des fiertés, au gars homosexuel de la série Z, on pense au mec efféminé… Ces images collectives sont malheureusement véhiculées par les communautés homosexuelles qui prônent une culture de l’homosexualité, fortement mise en avant par les médias. Dès qu’il y a un gars ou une fille homosexuelle dans une série, un film, ou une téléréalité, c’est immédiatement un énorme cliché. En prônant une culture, les milieux homosexuels donnent à la société une définition restreinte de la sexualité.
Le milieu dit « LGBT » s’approprie un peu de manière exclusive le débat sur l’homosexualité. Je ne suis pas certain que ce lobby représente l’ensemble des personnes qui ont cette affectation ou cette sexualité. Les marches des fiertés par exemple sont devenues davantage un carnaval médiatique, une technoparade costumée, qu’un lieu de revendication et de réflexion. On ne remerciera jamais assez les associations et les communautés pour les nombreux combats qu’elles ont menés, du courage qu’il à fallu avoir, de tout ce qui a été enduré. Il ne s’agit pas de s’opposer à cette culture (qui a son histoire) mais de laisser place à d’autres images; faire comprendre qu’il y a une différence entre la culture homosexuelle et l’homo-affectivité. Que la culture homosexuelle dominante ne représente pas l’ensemble des sexualités. La difficulté est de savoir comme faire valoir d’autres schémas existants quand on est pas dans la revendication? Il n’y a pas d’un côté ceux qui revendiquent leur sexualité, qui l’assument et ceux qui ne la revendiquent pas et donc qui ne s’assument pas. Etre dans la non-revendication, c’est déjà être dans l’acceptation.
C’est un peu horrible de se dire qu’on fait partie des minorités et qu’on peut même pas rejoindre ce qui est censé être sa communauté de minorité car on ne s’y reconnait pas finalement. On se marginalise de ce qui est déjà une marginalité.
Les gens disent souvent « ça ne se voit pas » ou bien « mais c’est parce que tu ne t’assumes pas ». Comme si s’assumer ou vivre sa sexualité voulait dire endosser cette trivialité relative à l’homosexualité. Les gens préfèrent nous associer à un groupe socialement toléré car c’est plus facile pour eux de comprendre. Ça correspond à la définition qu’on leur a appris. Je ne vis pas uniquement autour de ma sexualité ou en fonction d’elle. Je ne suis pas que ça.
On attend souvent socialement de moi que je fasse un aveu. On doit faire des « coming out » à nos amis, notre famille, notre environnement professionnel. Si je me refuse si souvent à le faire c’est qu’il n’y en a pas à faire. Je n’ai pas d’aveu à faire. Cet espèce d’aveu est d’une violence affective et symbolique incroyable. C’est un déchirement. C’est mettre à nu son affect et endosser toute une symbolique et se catégoriser au moment même où l’on fait cet aveu. Il n’y a pas à sortir du placard, il y a juste à vivre tel que l’on est. Je préfère qu’on me découvre tel que je suis et non tel qu’on me suppose.
J’ai fait le choix de vivre longtemps en dehors de la communauté homosexuelle car je ne voulais pas vivre ma ressemblance mais ma différence. Que je ne voulais pas vivre ma sexualité comme une marginalité car il y avait tant d’autres marginalités à vivre. La définition de la sexualité est propre à chaque individu, elle dépend de la manière dont chacun la vit. Ce qui signifie que cette définition est individuelle et qu’elle appartient à tous. Elle n’appartient ni au politique, ni à la communauté scientifique, ni au milieu associatif LGBT qui défend en réalité une culture plus qu’une cause.
Le sujet de l’homosexualité avancera dans notre société quand on n’aura plus besoin de se décrire comme homosexuel mais comme des individus affectifs, multi-culturels, multi-sociaux et d’une complexité culturelle et identitaire incroyables. Peut être que l’homosexualité est une « thématique transversale » et moins une exclusivité.
Juste pour essayer de décloisonner un peu les choses. Il ne s’agit pas tant de contester ce qui existe mais d’offrir une vision plus élargie de l’affectivité.