Le tribunal correctionnel de Tours a jugé jeudi la fondatrice du mouvement « Journée de retrait de l’école » (JRE) Farida Belghoul ainsi qu’une mère de famille de Joué-lès-Tours, qui partageait son combat, pour diffamation à l’encontre d’une institutrice de maternelle.
Un temps proche de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral, Farida Belghoul était partie en croisade en 2013-2014 contre l’enseignement d’une supposée « théorie du genre » dans les établissements scolaires. C’est d’ailleurs en organisant ses « Journée » qu’elle s’était fait connaître, en pleine polémique passionnelle pro-manif pour tous sur les « ABCD de l’égalité », ce dispositif visant à lutter contre les inégalités filles-garçons à l’école.
L’affaire remonte au 29 mars 2014. Une enseignante de maternelle avait découvert une vidéo de dix minutes, mise en ligne sur le site du collectif, qui l’accusait de mettre en pratique la théorie du genre auprès des élèves, en leur faisant découvrir leur anatomie par des attouchements. Ses propos avaient été relayés par Dalila Hassan, correspondante locale de l’association de Belghoul.
Le temps d’un week-end, 54 000 personnes visionnent la vidéo. YouTube la retire le 31 mars, elle réapparaît le 9 avril. Le nom de l’enseignante n’y est pas livré, mais celui de son école, ce qui rend l’enseignante identifiable. L’institutrice, la directrice de l’établissement ainsi que le rectorat de l’académie de Orléans-Tours avaient alors porté plainte pour diffamation contre les Journées de retrait de l’école (JRE).
« On a sans doute atteint l’apogée de la campagne de calomnie, avec des attaques personnelles, qui ont ciblé une école en particulier », estimait à l’époque l’inspecteur d’académie d’Indre-et-Loire, Antoine Destrés.
Les accusations avaient vite été démenties. Il s’agissait, comme dans d’autres cas similaires fomentés par Farida Belghoul, de tentatives de déstabilisation de l’école publique et de la République laïque.
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Interrogée par le procureur Jean-Luc Beck, Mme Hassan a admis « avec recul » avoir été « manipulée ». Son avocate a rappelé le « contexte politique et social sulfureux » de l’époque. Cette mère de trois enfants scolarisés dans une autre école se serait ainsi bornée à répéter devant la caméra « ce que lui avait dit la mère du petit garçon, sans mensonge ni invention » et n’a participé ni de près ni de loin à la diffusion de la vidéo, a fait valoir Me Allain en invoquant la « bonne foi » de sa cliente pour demander sa relaxe.
Très à l’aise, la fondatrice de JRE a au contraire parlé d’une voix forte, coupant même la parole de la présidente pour évoquer avec emphase son mouvement, transformé depuis en fédération autonome des parents engagés et courageux. Son avocat, Me Gérard Chautemps, a également abondé dans son sens, dans une plaidoirie d’abord très politique, puis plus technique. Il a fait valoir que Mme Belghoul était « en droit de penser que (le récit attribué à l’enfant était) crédible ». S’évertuant à instiller le doute pour établir lui aussi « la bonne foi » de sa cliente.
Le procureur a toutefois soutenu les demandes de la partie civile et réclamé la condamnation des prévenues à des peines d’amendes, laissées à l’appréciation du tribunal, ainsi qu’à la publication du jugement, mis en délibéré au 19 mai prochain.