Urgence Tunisie : Les homosexuels systématiquement « torturés » dans l’indifférence générale

Suite aux nombreux témoignages de victimes et alertes de l’ONG tunisienne Shams, Le Comité Idaho France et STOP homophobie dénoncent la cinquantaine d’arrestations pour homosexualité depuis le début de l’année en Tunisie, dont 10 pour le seul mois de septembre. Ces informations sont extrêmement préoccupantes.

Rappelons que les examens forcés des parties anales, pourtant reconnus par l’ONU comme un acte de torture, punissable, sont couramment utilisés par la justice tunisienne pour établir la preuve de comportements homosexuels, consensuels. Et dans la majorité des cas, les personnes soupçonnées ou accusées sont emprisonnées. « Et s’il n’y a pas d’aveux et que l’examen proctologique est négatif, ils croupissent quand même « en préventive », et par 200 en cellules, en attendant de passer devant les tribunaux », nous a confié Samir, éprouvé pendant 3 mois dans cet enfer.

« Nous sommes traités comme des animaux, humiliés, affamés, rongés par la galle et les poux, avec une douche tous les 15 jours. D’autres vous diront que tout va bien, qu’on rigole en Tunisie. Les touristes sans doute, ou si vous êtes de la « haute ». La police sera plus souple ou laisse passer. Et si votre entourage peut assumer les frais, vous bénéficiez d’un avocat pour vous défendre. Mais lorsque vous êtes d’en bas, et comme régulièrement, rejeté par votre famille qui considère que vous êtes un déchet, tout est plus grave. On vit dans la rue, ici et là, listé par les policiers qui en abusent, pour vous extorquer ou même vous violer. Et lorsque vous protestez, ils vous dénoncent. »

Il y aurait ainsi 69, accusés d’homosexualité, pour la seule prison de Mornaguia (à quelques kilomètres au sud-ouest de Tunis). Sachant que le pays en compte 23. Des chiffres révélés par la direction pénitentiaire, selon un journaliste irakien qui a enquêté. Et les étrangers ne sont pas épargnés. Régulièrement interdits de territoire, sur décision administrative, aucun recours judiciaire n’est dès lors possible.

Un ressortissant italien en a tout récemment « fait les frais ». Il entretenait depuis des années une relation amoureuse avec un Tunisien, qu’il retrouvait tous les trois mois. Un employé de l’hôtel où le couple résidait, en a tiré ses conclusions et prévenu la police. L’homme a évité la condamnation en quittant d’urgence le territoire.

La Tunisie est ainsi devenue depuis 2013, la championne au Maghreb sur les condamnations d’homosexuels, accusés de sodomie en vertu de l’article 230 du Code pénal (hérité du protectorat français), et punis jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Une contradiction donc avec la constitution tunisienne, qui consacre pourtant les libertés et droits individuels. Et les examens anaux forcés ajoutent une couche supplémentaire de cruauté. Pour les médecins, de telles pratiques, constituent une violation du code médical.

Le 3 avril dernier, le Conseil Tunisien de l’ordre a d’ailleurs « appelé » les légistes réquisitionnés par la justice à « informer les patients de leur droit de refuser l’examen ». Une prise de position courageuse mais « insuffisante », regrette Mounir Baatour, président de Shams. Elle laisse entière la question de l’impunité des médecins ignorant ces recommandations, et la possibilité qu’une personne accusée s’y soumette sous la pression, de crainte qu’un refus ne soit retenu contre elle, ou persuadée qu’elle sera disculpée.

Shams a adressé aux députés un projet de réforme visant à abroger l’article 230. Mais aucun élu n’a daigné répondre, « pour ne pas perdre leur base électorale vu le tabou dans la société autour de l’homosexualité ». Alors, « en attendant une hypothétique réforme, la répression s’amplifie », s’insurge le président de l’association.

Cas tout à fait exceptionnel, quatre jeunes, condamnés en première instance, ont toutefois comparu en état de liberté, par manque de preuves. Ils sont dans l’attente de l’appel suspensif de leurs sanctions. Et un imam de 46 ans, suspecté d’entretenir des relations avec un autre homme, présenté comme son petit ami, vient d’être libéré, son compagnon également. Ils avaient été arrêtés le 11 septembre dernier, mais ont refusé de passer le test anal. Un enseignant au Kef et un arbitre de football, incarcérés la semaine dernière pour les mêmes raisons, et qui avaient aussi refusé de se soumettre à l’examen, ont au contraire été jugés coupables, leur refus ayant été considéré comme une preuve de culpabilité.

Nous avons besoin de votre soutien pour accompagner les victimes, les témoins, les aider financièrement, alerter l’opinion, contraindre les politiques à réagir et obtenir l’abrogation de ce fameux article 230, qui criminalise l’homosexualité au nom de la moralité publique.

>> L’homophobie légale dans 75 pays : entrevue avec Robert Badinter, militant pour les droits de l’Homme

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