La Cour suprême devait trancher entre « la défense de la liberté religieuse et la lutte contre les discriminations ». Sur les neuf juges, sept se sont prononcés en faveur du « Masterpiece Cakeshop » dans la banlieue de Denver (Collorado) et de son propriétaire, Jack Phillips, pâtissier évangéliste, qui avait refusé en 2012 de vendre un gâteau à un couple gay, Dave Mullins et Charlie Craig.
Il avait été sanctionné en 2015 par la commission des droits civiques de l’état, au nom de la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Mais la haute juridiction estime qu’il n’a pas bénéficié du traitement « neutre et respectueux » auquel il avait droit, sinon « une hostilité claire et inadmissible à l’égard des croyances religieuses sincères, qui a motivé son objection ».
La commission se devait « de considérer ce dossier de façon impartiale, avec la neutralité religieuse exigée par la Constitution », a insisté le juge Anthony Kennedy, en lisant l’arrêt, salué le même jour par la Conférence des évêques américains.
La Cour se garde toutefois de définir un cadre dans lequel un commerçant pourrait refuser tel ou tel acte au nom de ses croyances profondes.
« L’issue de tels cas dans d’autres circonstances doit attendre une explication plus poussée devant les tribunaux », a ajouté le magistrat.
Jack Phillips a toujours récusé l’accusation de comportement discriminatoire, assurant être disposé à vendre des « gâteaux ordinaires à des homosexuels, mais pas la réalisation de pièce pour leur mariage », contraire à ses convictions. Il était soutenu par une vingtaine d’Etats américains, des dizaines d’élus du Congrès et tout ce que l’Amérique compte de groupes de pression chrétiens et conservateurs, dont Donald Trump, qui avait expliqué « que les gâteaux étant sa forme d’expression artistique, M. Phillips ne pouvait être forcé à utiliser ses talents à l’encontre des ses croyances religieuses ».
Les deux juges progressistes de la haute cour, Ruth Bader Ginsburg et Sonia Sotomayor, ont toutefois exprimé leur désaccord avec cette décision, précisant dans leur argumentaire que « l’hostilité présumée de la commission ne jouait qu’un rôle secondaire ». Dans ce dossier « ce qui compte est que Phillips refuse à un couple homosexuel un bien ou un service qu’il offrirait à un couple hétérosexuel », précise Mme Ginsburg, la doyenne de la cour.
Le couple concerné, aujourd’hui marié, compte poursuivre son action. « Personne ne devrait avoir à subir la honte, l’embarras et l’humiliation de s’entendre dire : ici, nous ne servons pas des gens comme vous ! »
La bataille sur le fond est donc amenée à se poursuivre, porteuse de vastes conséquences pour la société américaine, en raison des grands principes en jeu : liberté religieuse, égalité sexuelle et liberté d’expression protégée par le premier amendement de la Constitution.