Chahut, menaces, dégradations : alors que le Sénat a entamé jeudi l’examen du projet de loi sur le mariage homosexuel par un débat droite-gauche sans concession mais serein, une partie des opposants au mariage pour tous multiplient les actions et les dérapages.
Dans la nuit de samedi à dimanche, une vingtaine de militants opposés au mariage homosexuel a recouvert d’affiches les portes d’entrée et les murs des locaux de l’espace des Blancs-Manteaux, à Paris, où l’Inter-LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi, Trans) organise « Le printemps des assoces ». L’action a été « revendiquée » sur les réseaux sociaux par le collectif Le « Printemps français », qui a posté une vidéo en ligne, retirée depuis. Ils ont également décroché une banderole annonçant « Le printemps des assoces », deux jours de conférence et de festivités organisés par l’Inter-LGBT.
LE PS CONDAMNE DES AGISSEMENTS « HOMOPHOBES »
La présidente du collectif pour l’enfant et porte-parole du « Printemps français », Béatrice Bourges, s’est félicitée sur Twitter dimanche de cette action écrivant « Bravo opération réussie nuit blanche aux blancs manteaux » avant d’effacer son message.
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a apporté son soutien à l’Inter-LGBT sur son compte Twitter : « Bon Printemps des associations à l’@InterLGBT ! Les provocations haineuses prouvent combien vous êtes nécessaires ». « Je condamne fermement les agissements homophobes (…) Paris est et restera une ville de tolérance », écrit sur Twitter Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de Paris. Le Parti socialiste a également condamné « avec la plus grande fermeté l’attaque », estimant dans un communiqué que « ces nouvelles dégradations sont inacceptables » et « ne sont pas qu’un débordement isolé ».
LE RAPPORTEUR DU TEXTE CHAHUTÉ
Vendredi soir, Erwann Binet, le député PS rapporteur du projet de loi sur le mariage homosexuel, avait été chahuté à la faculté de droit de Saint-Etienne par des militants d’extrême droite, tandis que la sénatrice d’Europe Ecologie-Les Verts Esther Benbassa a reçu des menaces et que sa voiture a été vandalisée, samedi, à Paris. Dans la nuit de jeudi à vendredi, une permanence parisienne du Parti socialiste avait aussi été dégradée. Le parti a relevé la « présence de groupes extrémistes à proximité immédiate des lieux du saccage, venus manifester contre le mariage pour tous dont le texte est discuté cette semaine au Sénat », avec les manifestants hostiles au mariage homosexuel.
Dimanche, sur I>Télé, Frigide Barjot s’est défendue d’être responsable de ces dérives : « Il y a une montée de l’exaspération générale, ‘La manif pour tous’ n’a jamais pris à partie les élus […]. Je ne suis pas la porte-parole de la radicalisation, la radicalisation ça n’est pas nous. »
Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, a écrit samedi sur Twitter : « Les attaques contre les biens et personnes, dont des élus, par les opposants au mariage sont odieuses. Elles doivent cesser immédiatement. » Erwann Binet a pour sa part annoncé samedi qu’il annulait ses prochains débats pour des raisons de sécurité.
Alors qu’il devait participer lundi à un débat à l’Institut d’études politiques de Grenoble, le député a indiqué qu’il renonçait à cette conférence ainsi qu’à celles prévues dans deux autres facultés de la région parisienne. « Je n’ai pas l’intention de refaire d’autres débats dans l’immédiat. Je le regrette vivement, mais il n’est pas possible de continuer dans ces conditions, il faut que les opposants se ressaisissent », a déclaré M. Binet au lendemain de son intervention avortée.
Le député a raconté que la veille des participants à ce débat, « majoritairement » défavorables au projet de mariage pour tous, l’ont sifflé puis ont scandé des slogans tels que « La France aux Français » ou encore « Hollande démission » dès son arrivée dans la salle, provoquant l’annulation de la rencontre. « Cinq ou six » d’entre eux, appartenant aux Jeunesses nationalistes, ont brandi « des affiches avec un aigle [symbole de ce groupuscule d’extrême droite] alors que des enfants étaient présents dans la salle », s’est indigné M. Binet.
Le 26 mars, le rapporteur du projet de loi avait déjà été empêché par « des opposants violents » d’achever une intervention à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines (région parisienne) et avait dû partir sous protection policière.
MENACES CONTRE LA SÉNATRICE ÉCOLOGISTE ESTHER BENBASSA
Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val-de-Marne, reçoit elle depuis plusieurs jours de nombreuses menaces par téléphone, mails et courrier, et sa voiture a été vandalisée samedi, un acte qu’elle a mis en rapport avec son engagement en faveur du mariage homosexuel.
Mme Benbassa a rapporté que les roues et l’arrière de sa voiture avaient été « défoncés » et que le véhicule, qui était garé près de chez elle, dans le 11e arrondissement de Paris, a été poussé sur un passage piéton. Son mari a été déposer plainte au commissariat, a-t-elle ajouté. « Je reçois depuis plusieurs jours de nombreuses menaces par téléphone et par mails, ainsi que des dizaines de lettres de mauvais goût à mon bureau au Sénat, a indiqué la sénatrice. On me dit qu’on va me ‘casser la gueule’. »
Elle a également affirmé que deux de ses collègues écologistes, les sénatrices Corinne Bouchoux (Maine-et-Loire) et Leïla Aïchi (Paris), ont eu leurs adresses mail au Sénat détournées et utilisées frauduleusement pour envoyer en leur nom des messages anti-mariage homosexuel aux autres sénateurs de leurs départements.