L’accusé, âgé de 25 ans, avait déjà été condamné à 15 ans par la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis, en mars 2020, mais la circonstance aggravante de l’homophobie n’avait pas été retenue. Cette fois, les jurés et les juges ont estimé qu’il s’agissait d’un viol lesbophobe, car il « connaissait dès le début de leur rencontre l’orientation sexuelle » de sa victime.
Au petit matin du 8 octobre 2017, il l’avait violée, violentée et humiliée pendant plus d’une heure dans le huis clos de son appartement de Saint-Ouen (Saine-Saint-Denis), où la jeune femme de 34 ans avait refusé d’avoir une relation sexuelle, après une rencontre et un flirt dans les rues de Paris.
La cour s’est également appuyée sur le témoignage de la jeune femme, qui avait relaté à de multiples reprises la phrase lancée en guise d’avertissement par son agresseur : « Tu kiffes les meufs ? Eh bien je vais te faire kiffer ».
La reconnaissance du caractère lesbophobe de cette agression « était le plus important pour moi », a réagi Jeanne (dont le prénom a été modifié à sa demande) auprès de l’AFP.
« Le viol était nourri par ça, il voulait me nier en tant que lesbienne, me punir. Au premier procès, j’avais été niée une deuxième fois par la justice, la société, dans mon identité, c’était ça le plus dur », a-t-elle expliqué.
« Emu et fier », l’avocat de Jeanne, Stéphane Maugendre a de son côté estimé que cette condamnation, « une première historique », était aussi « l’aboutissement du procès d’Aix-en-Provence » de 1978.
Lors de ce procès, les trois agresseurs d’Anne Tonglet et Araceli Castellano, un couple de lesbiennes, avaient été condamnés au terme d’un combat mené par leur avocate Gisèle Halimi, qui avait abouti à une redéfinition légale du viol.
« Les femmes lesbiennes et bisexuelles sont extrêmement exposées aux violences et agressions sexuelles » en raison de « la haine et du mépris liés à l’orientation sexuelle, mais aussi de la perception misogyne selon laquelle les femmes sont des “objets”, et surtout des objets sexuels », a réagi auprès de l’AFP Silvia Casalino, codirectrice de l’EuroCentralAsian Lesbian* Community. « Il s’ajoute aussi la conviction que les femmes qui n’ont pas de relations sexuelles avec des hommes sont “malades”, “anormales” et doivent être “corrigées” », ajoute la militante.
A ses yeux, la décision de la Cour d’appel, qui pourrait constituer une première en Europe selon les informations de son réseau militant, « est très importante et envoie un signal clair aux États européens qui sont aujourd’hui en train de discuter l’introduction de mesures pour prévenir les crimes de haine contre les personnes LGBTI ».