Le 4 mai dernier une professeure de lettres classiques au lycée général Germaine-Tillion, à Sain-Bel dans le Rhône, a été empêchée de faire cours par la proviseure, parce qu’elle portait un masque sur lequel figurait un « arc-en-ciel ». STOP homophobie, Mousse et Adheos ont envoyé ce lundi 7 juin un courrier au recteur de l’académie de Lyon ainsi qu’au Ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, en leur demandant de prononcer une mesure disciplinaire contre la cheffe d’établissement.
Elle avait déjà convoqué l’enseignante la veille, pour lui proposer de remplacer son masque, estimant que le motif arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBTI+, portait atteinte au devoir de neutralité des agents de la fonction publique. Le lendemain, elle a réitéré sa demande mais l’enseignante a de nouveau refusé, d’où l’interdiction de donner ses classes de la journée.
« À 8 heures, la proviseure m’attendait de pied ferme devant l’établissement », a-t-elle confié à Libération. « Elle m’a redit que je ne pouvais pas me présenter avec ce masque, elle m’a fait signer un rapport et m’a renvoyée chez moi. Je ne m’attendais pas à ce qu’on m’empêche de faire cours. Comme si je représentais un danger, c’est inconcevable. »
Le rectorat ne l’a pas non plus soutenue. Pire, les deux responsables des ressources humaines et le référent académique « Valeurs de la République » lui ont répété que le port de ce masque constituait une provocation malvenue, qui risquait d’inciter ses élèves à certaines pratiques.
Le mardi 1er juin, devant l’absence de réaction du recteur, pourtant alerté par un courrier de l’enseignante, cette dernière ainsi que les organisations syndicales de l’Éducation nationale du Rhône, le SNES-FSU Lyon, la CGT Educ’action 69 et Sud Éducation Rhône, ont annoncé leur intention de saisir la Défenseure des droits.
Une invisibilisation des causes LGBTI+
Le syndicat d’enseignant Sud Éducation 69 déplore le signal envoyé aux élèves et aux agents LGBTI+.
En effet, alors qu’il est connu depuis des années que les adolescent.e.s LGBTI+ courent plus de risque de commettre une tentative de suicide que le reste de leurs camarades et que le harcèlement des jeunes homosexuel.le.s et transgenres est accentué par les réseaux sociaux, sanctionner une enseignante en raison de son soutien à la lutte contre les LGBTIphobies est particulièrement regrettable.
La mesure prise par la proviseure et l’absence totale de condamnation par le rectorat peuvent être interprétées par une jeunesse LGBTI+, souvent isolée et malmenée, comme une injonction à se cacher, alors même que les établissements scolaires représentent parfois les seuls endroits où ils sont soutenus et accompagnés, notamment grâce à des enseignant.e.s comme celle empêchée de donner cours. Le devoir de neutralité ne doit pas être utilisé pour ostraciser les élèves et personnels LGBTI+ des établissements scolaires, ni pour étouffer des soutiens à la lutte contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
STOP homophobie souhaite une prise de position claire de l’Éducation nationale et une sanction pour la proviseure. Les associations Mousse et Adheos se joignent également aux demandes.
Il est temps pour l’Éducation nationale d’abandonner sa doctrine du « pas de vagues » et de dépasser le stade des belles paroles. Certes, la campagne récente contre l’homophobie et la transphobie à l’école, et les actions menées dans les établissements scolaires à l’occasion du 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, sont à saluer. Mais il est incompréhensible qu’une enseignante ait été empêchée de faire cours à cause de son masque arc-en-ciel, symbole largement affiché deux semaines plus tard dans ce même lycée, pour prétendre célébrer l’IDAHOT.