INTERVIEW – Alexandre Dousson, homosexuel assumé et ami depuis plus de 15 ans de Frigide Barjot, a tenu à lui écrire une « lettre d’adieu » dimanche sur Facebook. Après plus de 16 000 likes et 3 000 partages, il explique sa démarche à Metro.
Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’écrire une lettre à Frigide Barjot ?
Nous sommes en démocratie, tout le monde peut s’exprimer, dans la limite des règles dictées par la loi. Je pense qu’elle est allée trop loin avec son appel au sang et qu’elle a perdu les pédales (sans mauvais jeu de mot). Il était temps. Mais j’ai tenu à le faire de façon amicale sur mon Facebook privé. Le fait que cela ait été repris n’était pas prévu, j’ai pas une boîte marketing derrière. Je ne dis pas qu’elle est homophobe, mais une chose est indéniable, elle a ouvert une boîte de pandore, celle de l’homophobie et beaucoup de personnes s’y engouffrent.
Sur Europe 1 lundi, elle vous a reproché de ne pas l’avoir appelée avant, pourquoi ?
J’ai écris une lettre d’adieu qui est assez violente. Mais quand tu dis adieu à un ami, ce n’est pas un exercice facile. C’est un cri, c’est quelque chose qu’on ne peut pas effacer. Je luis dis adieu, je vais pas lui reparler ou répondre à ses messages.
Vous qui avez été très proche d’elle, comment expliquez-vous son combat actuel qui va à l’encontre de vos principes ?
Je ne peux pas l’expliquer, et si je me l’expliquais, je ne lui aurai pas dit au revoir définitivement. C’est simplement parce que là ou elle s’est laisse entraîner ou là où elle s’entraîne, c’est vraiment trop loin de moi. Je pense que son changement de comportement fait partie des contradictions humaines. Avait-elle envie d’exister médiatiquement, a-t-elle eu une révélation, je n’en sais rien et cela ne m’intéresse pas.
Après avoir promis « du sang » au chef de l’Etat, Frigide Barjot a retiré ses propos. Regrettez-vous d’avoir dit d’elle, qu’elle est un « danger de la république » ?
Absolument pas. C’est un danger de la république, qu’elle le veuille ou non. Ces propos permettent à d’autres d’exprimer leur homophobie alors que la loi le réprime. Elle déclenche des haines. Quand tu es écouté médiatiquement parlant, tu as un devoir de retenue, tu es responsable de tes mots. Elle ne fais pas attention, et elle aura beau retirer tout ce qu’elle a dit, le mal est déjà fait. Elle a allumé la mèche de l’homophobie.
Son ancienne proximité avec le milieu gay a-t-il pu favoriser une plus grande adhésion à ses idées et légitimer plus facilement ses propos ?
Je pense que ce débat là à véritablement sa place entre les « pour » et les « contre ». Mais elle n’a pas sa place, elle apporte rien d’intéressant sur cette question. Elle est en plus vraiment pas crédible quand on connaît son parcours et son passé et je suis bien placé pour le savoir.
Pourquoi n’est-elle pas crédible ?
Rien dans sa façon de mener ce combat et rien dans son parcours mérite une telle médiatisation. Elle retournera dans l’anonymat comme moi j’y retournerai dans deux jours. Célébrer mon mariage factice avec un homme dans une boîte de nuit fait partie de ses contradictions. On peut pas se promener avec un blouson « Banana Café » (célèbre club gay parisien, ndlr) et organiser les manifs anti mariage gay. Il faut arrêter de faire croire que beaucoup de gays sont hostiles au mariage pour tous. Certains sont pour, d’autres en ont rien à faire, mais ceux qui y sont hostiles sont loin d’être majoritaires. Elle s’est servit de sa panoplie « gay-fêtarde » qu’elle a depuis des années, pour faire du mal à une communauté qui n’a rien demandé et qu’elle met en péril.
Lorsque vous écrivez « je me suis retrouvé à raccompagner les clients jusqu’aux taxis et à les conseiller de faire attention », que voulez-vous dire ?
Je travaille dans un bar-club du marais (Paris) et c’est ce qui m’est arrivé vendredi. La radicalisation de l’opposition au mariage gay et les faits-divers homophobes se multiplient. Vendredi dernier des bandes traînaient à Paris pour « casser des gays ». Les gens ont peur, et moi je trouve incroyable d’avoir peur ou de devoir renier ma sexualité à 43 ans parce que les opposants au mariage gay n’ont plus aucun argument. Comme la loi a été pratiquement votée, ils sont capable d’appeler à la violence.
Si vous la croisez demain que lui diriez-vous ?
Rien du tout. Je lui ai dis adieu. C’est une décision difficile, je n’ai pas fait semblant, ce n’est pas une imposture, mais si je l’ai fait, c’est que je m’y tiendrais.
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