« Mariages forcés » : La réalité des femmes lesbiennes, queers et transgenres en Afrique

Si la pratique sévit également auprès des hommes bis et homosexuels, les unions hétérosexuelles contraintes restent un fléau pour les femmes lesbiennes, queers et transgenres en Afrique, comme en témoigne Guadalupe Dansokho (nom d’emprunt), lesbienne sénégalaise, forcée d’épouser un homme qu’elle ne connaissait pas, pour échapper au lynchage et vindicte populaire.

« En général, cela intervient quand les parents découvrent l’homosexualité de leurs filles. On les marie dans l’espoir de changer leur orientation amoureuse et pour garantir une certaine respectabilité sociale de la famille », explique la jeune femme au Washington Blade, dans son entretien relayé en français par 76crimes. « Les garçons connaissent et vivent aussi des mariages forcés, notamment quand ils sont gays. Néanmoins, la pression sociale me semble plus forte envers les jeunes filles lesbiennes », poursuit-elle, avant de revenir sur son expérience.

« On m’a obligé à me marier à l’âge de 23 ans à quelqu’un qui ignorait tout de moi et c’était réciproque. Ça n’a pas duré. Nous divorcions deux mois plus tard, en mars 2016. Il a d’ailleurs compris que je ne m’intéressais pas aux hommes, et il a tôt fait de s’en plaindre auprès de mes parents, pour qu’on me « soigne ». La suite n’aura été que violences morales et pressions psychologiques de la part de mes proches, après cet « échec ». Et en 2019, j’ai enfin pu divorcer civilement. Mais le pire finalement dans mon histoire, c’est que ce projet d’union était « dans les cartons » depuis ma prime enfance. Souvent, ces arrangements entre familles ont lieu plusieurs années en amont. Particulièrement chez les Peuls (Afrique de l’Ouest), ce sont nos traditions. ».  « Une culture alimentée par le manque de reconnaissance des gouvernements africains sur nos problématiques », ajoute Vanilla Hussein, responsable d’un groupe kenyan LGBTQI+.

« Comment y remédier ? »

Pour Guadalupe Dansokho, « il faudrait en faire une grande cause nationale (au Sénégal), mais bien peu s’y risquerait, en dépit du droit des jeunes filles à être informées. Aussi, il faut favoriser tout ce qui puisse permettre aux filles d’achever leur scolarité secondaire, car bien souvent les mariages sonnent le glas de l’école et le début d’une vie d’épouse, puis de mère, avec des grossesses précoces parfois compliquées. Les jeunes filles ne sont pas prêtent à assumer cette vie, elles ne se sentent pas bien. Mais la pression sociale est là. Dernièrement, une de mes connaissances lesbienne a mis fin à ses jours afin d’y échapper. »

« Comment les gouvernements et les ONG contribuent-ils à mettre un terme à ce fléau ? »

L’ONG américaine Tostan (qui œuvre auprès des communautés en Afrique pour un développement durable et une transformation sociale positive dans le respect des droits humains) « mène un travail de plaidoyer auprès des chefs de villages, afin de les sensibiliser à la question de l’âge des mariés. Des fois, ils jouent aussi un rôle de médiateur quand des jeunes filles les sollicitent en termes de conseils », précise Guadalupe, qui rappelle qu’au Sénégal, « un mariage civil n’est autorisé qu’à partir de l’âge de 18 ans pour un homme et 16 ans pour une femme. Toutefois, les mariages coutumiers restent légion, car la tradition est tenace et tout le monde n’est pas toujours informé des lois, notamment en zone rurale ».

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Selon l’association Vision du monde, plus de 100 millions de filles vont être ainsi mariées dans le monde et dans la décennie à venir. En France aussi, où cette pratique est strictement interdite depuis 1803, le Haut conseil à l’intégration estimait déjà en 2013 à quelque 70.000, le nombre de jeunes femmes potentiellement menacées.