« Blessés » et « perdus », de nombreux homosexuels disent leur malaise

Les lignes d’écoute des associations sont saturées d’appels de détresse, à cause du climat délétère qui règne.

« Je suis gay, mais mes parents qui ne le savent pas manifestent contre le mariage homo et m’obligent à venir » ; « Je n’en peux plus des insultes au lycée » : plus le débat sur le mariage dure, plus les lignes d’écoute contre l’homophobie reçoivent de témoignages, notamment de jeunes.

« Dans le climat actuel, les gens se lâchent et ce sont les jeunes qui souffrent le plus à un moment où ils découvrent ou ont encore du mal à accepter leur homosexualité. Nous recevons beaucoup d’appels d’ados qui sont totalement perdus », explique Nicolas Noguier, de l’association Le Refuge. La ligne d’écoute de l’association, comme celle de SOS Homophobie, a reçu trois fois plus d’appels sur les trois premiers mois de 2013. Dans ce contexte, le gouvernement a d’ailleurs annoncé jeudi le renforcement de la ligne de SOS Homophobie.

« Ma mère parle de dégénérés »

« Vu l’ambiance générale, les insultes sont ressenties encore plus durement et c’est très déstabilisant pour les plus jeunes », explique Michael Bouvard, vice-président de l’association. « Contraint de suivre mes parents, car dans ma famille on ne discute pas, j’ai fait plusieurs manifestations contre le mariage et mes parents et leurs amis tiennent des propos terribles contre les homos. Ma mère parle de dégénérés. J’ai besoin de conseils. Je ne sais plus comment me comporter », confie T., un garçon de 16 ans en grande détresse.

Avec la crispation du débat et l’écho médiatique, le sujet est aussi souvent abordé dans les couloirs des collèges et lycées comme sur les réseaux sociaux. « Jusqu’ici, je n’avais jamais eu le droit à des insultes qui me visaient directement, mais comme depuis des semaines on ne parle que de ça, je reçois plein de messages sur Internet, sur le mode : Tu crois vraiment qu’on va te laisser avoir des enfants, sale pédale », raconte M., 18 ans, qui se dit « perdu » et « blessé ».

« Tolérés mais pas acceptés »

Beaucoup de jeunes appellent aussi, désemparés, après avoir entendu leurs parents tenir des propos homophobes en regardant les informations à la télé, racontent les bénévoles. « Les petites remarques, on avait pris l’habitude de les encaisser, mais là ça commence à faire beaucoup. Même certains de nos proches tiennent maintenant des propos blessants, on finit par se dire qu’on est simplement tolérés, mais pas vraiment acceptés. C’est révoltant », explique Hélène, 36 ans.

« Vu la violence des propos, y compris au Parlement, il est clair qu’une génération entière restera marquée par ce débat comme la précédente l’avait été par l’affrontement autour du Pacs », estime Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT.

Pour les associations, ce sont les opposants et les hommes politiques de droite qui ont permis la « libération » de la parole homophobe. « Pour moi, les politiques et les hommes d’Église sont responsables. Quand on répète sans cesse que les homos sont dangereux pour les enfants, pour la société, on prend le risque de voir des gens, moins bien éduqués et plus violents, agresser des personnes dans la rue », juge Wilfried de Bruijn, passé à tabac à Paris avec son ami début avril. Son agression avait été largement médiatisée et la photo de son visage tuméfié avait tourné sur les réseaux sociaux.

Pour dénoncer ce climat, de nombreuses associations organisent une manifestation dimanche puis un rassemblement festif mardi à l’issue du vote solennel du projet de loi Taubira. « Pour en finir avec cette période difficile et enfin fêter ça ! » se réjouit Nicolas Gougain.

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