La proposition de loi d’indemnisation relative aux personnes condamnées pour homosexualité par la France, sous le Régime de Vichy et jusqu’en 1982, sera débattue en séance plénière, au Sénat, ce mercredi 22 novembre. Il s’agit d’une proposition symbolique donc, visant à « réparer une erreur de la société de l’époque », et « reconnaître le rôle de l’État dans ces persécutions », a rappelé à l’AFP Hussein Bourgi, sénateur de l’Hérault, à l’origine du texte.
Au moins 10.000 condamnations, d’après les comptes généraux de la justice en France, sur la base de l’article du Code pénal qui établissait un âge spécifique de consentement pour les relations entre personnes de même sexe. Et jusqu’à 50 000 si l’on intégrait les « outrages publics à la pudeur homosexuels », une des modalités de la répression pénale, insiste l’historien et maître de conférences Régis Schlagdenhauffen.
Mais s’il est difficile d’en estimer le nombre exact, les victimes étaient principalement des hommes « de classe populaire », pour un tiers marié et un quart avec enfants. Auditionné par la commission des lois, Régis Schlagdenhauffen, qui poursuit par ailleurs ses recherches au sein de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), regrette dans son rapport que la proposition omette le « coût de la loi », « qui resterait largement inférieur aux millions d’Euros de peines d’amende dont ont dû s’acquitter lesdits condamnés pour homosexualité. ».
La commission des lois du @Senat a fait appel à mon expertise dans le cadre de la proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité par la France entre 1942 et 1982, soumise par le sénateur @husseinbourgi.
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Il n’y a pas eu d’interruption de l’État pendant le régime de Vichy. La République est comptable des persécutions homophobes mises en œuvre dès 1942 et se doit de réhabiliter tous les condamnés !
Francis Szpiner, ex- maire (LR) du XVIe arrondissement de Paris, désormais sénateur et rapporteur du texte, souhaite pour sa part un vote à l’unanimité mais avec restriction de la période de 1945 à 1982, considérant que la République ne pourrait être comptable du fait d’une loi mise en œuvre par le régime de Vichy.
Mais, il n’y a pas eu d’interruption de l’Etat français pendant Vichy. La loi votée en 42 est restée en vigueur jusqu’en 82. La République se doit donc de réhabiliter tous les homosexuels condamnés sur son fondement, avant comme après 1945.
Le rapporteur juge en outre dans son rapport difficile de « retenir le principe d’une réparation financière », l’immense majorité des États qui ont réhabilité les personnes condamnées pour homosexualité l’ayant fait par le biais d’une reconnaissance symbolique qui s’est accompagnée d’un important travail de mémoire et de recherche historique, mais non du versement d’une indemnité financière « qui ne pourrait valablement découler, sur le plan juridique, de l’application directe d’une loi pénale ».
Enfin, évoquant le risque « d’une censure constitutionnelle », il estime infondée la création d’un délit de « négationnisme », telle qu’envisagée par la proposition de loi. L’infraction est déjà incluse dans le périmètre de l’actuel article 24 bis (du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) pour réprimer les crimes contre l’humanité commis par les nazis, leurs alliés et leurs collaborateurs (premier alinéa), ainsi que les crimes de génocide, les autres crimes contre l’humanité, la réduction en esclavage et autres les crimes de guerre (deuxième alinéa) : « la déportation des homosexuels paraît donc entrer dans son champ ». Modifier la loi dans ce contexte reviendrait à préempter l’issue de l’affaire judiciaire engagée contre Éric Zemmour pour « contestation de crime contre l’humanité », après qu’il ait qualifié de « légende » la déportation des victimes en raison de leur orientation sexuelle.