La course de vitesse du mariage pour tous se poursuit. Après l’accélération du calendrier parlementaire, le ministère de la Justice se hâte de préparer le terrain avant la promulgation de la loi sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels.
Vendredi matin, il a fait savoir par voie de communiqué qu’il avait d’ores et déjà transmis au Conseil d’État un projet de décret concernant les conséquences de la loi sur l’état civil telles que le livret de famille. Ce dernier, dans sa nouvelle version, sera unique mais adaptable aux différentes configurations de couples. Pour les couples homosexuels mariés, le livret de famille comportera les mentions «époux et époux» ou «épouse et épouse» et «père et père» ou «mère et mère».
L’objectif du gouvernement est clair, il s’agit de «permettre l’application immédiate de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe dès sa promulgation». En pratique, les premiers mariages homosexuels devraient ainsi pouvoir être célébrés dès le mois de juin, dans la foulée de la promulgation du texte par François Hollande mais après le délai minimum légal d’affichage de la publication des bans de dix jours.
Dans la même logique d’anticipation, le ministère de la Justice a adressé un projet d’arrêté relatif au livret de famille aux éditeurs des actes d’état civil, prestataires des communes, pour préparer l’entrée en vigueur de la loi. Ce dernier sera publié dès sa promulgation. Enfin, une circulaire d’application, destinée à être diffusée aux procureurs de la République à destination des officiers d’état civil dans les mairies, a déjà été préparée.
Sans ces préparatifs en amont, les services d’état civil risqueraient de ne pas pouvoir suivre le tempo du gouvernement. L’Association des maires de France, consultée par le ministère de la Justice sur l’application du texte, aurait jugé plus prudent d’attendre quelques semaines de plus avant les premières célébrations. La question se pose en effet de savoir si toutes les communes pourront être dotées à temps des documents adéquats ou des logiciels nécessaires pour établir les nouveaux documents. Les livrets de famille actuels pourront cependant encore être utilisés pour les couples hétérosexuels.
Cet empressement exaspère les parlementaires de l’opposition mobilisés contre le texte. Alors qu’ils viennent tout juste de saisir le Conseil constitutionnel, ces derniers s’étonnent de cette nouvelle pointe de vitesse et de la préparation de documents provisoires en absence de certitude. D’autant plus que les sages de la Rue Montpensier ont en théorie jusqu’au 23 mai pour rendre leur avis. «C’est très choquant! Une telle accélération est-elle indispensable sur un sujet aussi important? commente Hervé Mariton. Ce n’est pas respectueux du Conseil constitutionnel qui est tout à fait susceptible d’émettre des réserves d’interprétation.» Le gouvernement serait-il pressé d’en finir avec la loi sur le mariage pour tous? C’est en tout cas l’avis des opposants au texte, qui s’inquiètent d’un dernier coup d’accélérateur: celui du Conseil constitutionnel qui devrait rendre sa décision dès le 16 mai, la veille de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Une date qui permettrait aux Sages de ne pas tomber trois jours avant la manifestation nationale des «anti» prévue le 26 mai…