En novembre 2022, Chloé Socias a publié un livre « Moi, catholique et homosexuelle en Martinique », paru aux Éditions Vérone, afin de visibiliser un parcours qui réconcilie au grand jour tant la foi, la spiritualité que l’homosexualité féminine dans l’environnement social et anthropologique antillais.
Pourtant si la présence d’homosexuels au sein de l’Église n’est plus taboue, il demeure un sujet, tant au sein des autorités ecclésiales qu’au sein de la communauté LGBT+ sur place.
Chloé Socias : « Pendant très longtemps être ouvertement lesbienne et catholique, c’était comme marcher sur les œufs, mais aujourd’hui les choses ont bien changé et s’il y a 4 ans, je pouvais faire l’objet de critiques et de milans (médisances en créole martiniquais ou cancans en français régional) au sein de ma paroisse de la part de certains, à présent ce n’est plus du tout le cas, car je me suis imposée sans renier qui je suis et j’ai fait ma place, au lieu d’abandonner ma foi.
En ce sens, je pense souvent qu’entre l’Église catholique et la communauté LGBT+, les torts sont partagés des deux côtés.
D’un côté, pendant longtemps, l’Église a totalement légitimé les comportements homophobes inadmissibles de certains, tandis que de l’autre côté, les personnes LGBT+ qui ont fait ou non l’expérience de rejet de la part de personnes religieuses, s’appuient là dessus pour abandonner la foi et je trouve cela dommage, car la foi et le rapport à Dieu, à son créateur, c’est profondément personnel et intime et ça n’a rien à voir avec le regard des autres.
Mais le mal est plus profond, car j’observe souvent que même les jeunes hétérosexuels se sentent parfois rejetés par l’Église, à cause du quand dira-t-on, d’histoire d’accoutrement ou de différences de goûts musicaux entre les générations qui amènent à des incompréhensions.
Dans ce contexte moi j’ai fait précisément le pari inverse et je pense que c’est en restant au sein de l’Église que l’on fait bouger l’Église et que l’on change les perceptions et les mentalités. Au début, des gens de ma paroisse ne voyaient en moi qu’une jeune femme garçon manqué, alors qu’aujourd’hui on m’apprécie pour les œuvres sociales que j’accomplis auprès des jeunes.
Après mon parcours et mon cheminement ont été rendus possibles grâce à la rencontre de Père Gaétan Présent qui est un jeune prêtre originaire de l’île. Durant quelques années, c’est lui qui assurait la pastorale auprès des jeunes des autres paroisses de l’île et à leur demande, c’est lui qui se chargeait de répondre aux questions en lien avec la foi et l’homosexualité. Cela nous a beaucoup rapprochés.
Cependant, je relève que même les curés dans le secret de la confession ne savent pas toujours quoi répondre à leurs fidèles, alors qu’ils y sont tous confrontés et c’est pour cela que j’ai été surprise du peu d’intérêt pour mon ouvrage au sein des autorités ecclésiales locales.
Au final, avant de publier le livre, j’en ai transmis le manuscrit auprès de l’évêque et je sais que quelques curés l’ont lu, mais dans l’ensemble les gens qui ont acheté l’ouvrage l’ont davantage fait par le bouche à oreille, car il n’y a pas eu de plan de communication autour de la publication de la part de la maison d’édition. D’ailleurs, mon livre qui parle essentiellement de la Martinique est très difficile à se procurer dans les rayons des librairies de l’île et la seule FNAC que nous avons n’en avait commandée qu’à 5 exemplaires en début 2023.
Sinon, dans la presse locale, j’ai bien été interviewée par Radio Caraïbes Internationale, la principale chaîne de radio aux Antilles, mais pour le reste, un relatif anonymat a entouré la sortie de mon opuscule et j’en ai été à moitié surprise eu égard à sa tonalité sociétale. En effet, en même temps que l’on assiste en Martinique a une véritable acceptation de l’homosexualité féminine chez les plus jeunes, on remarque une relative indifférence qui se fait jour et qui progresse et c’est tant mieux. Toutefois, on ne peut pas encore en dire de même de l’homosexualité masculine ».