Fondée en 1996, dans un contexte où la police locale refusait d’enregistrer les plaintes en cas d’agressions homophobes, Ex-aequo se donne pour ambition de créer des évènements de proximité afin de sortir les personnes LGBT+ de leur isolement, à Reims, mais aussi dans les campagnes et les petites villes de la Marne et du sud des Ardennes.
Stop Homophobie : « Pourquoi y a t-il un tel déficit de visibilité autour de l’actualité LGBT+ et des activités à destination des personnes concernées en Champagne-Ardenne ? »
Samuel Tarcy (président d’Ex-aequo) : « On est dans une région rurale et peu peuplée avec peu de bénévoles. C’est en partie l’explication pour laquelle cette année Reims organisait sa 3ème marche des fiertés. Pourtant des faits très graves ont déjà eu lieu ici.
Je peux prendre pour exemple, le meurtre de Paula en avril 2021, une femme trans rémoise qui avait fait une rencontre sur un site internet, avant de se retrouver aux prises avec son agresseur (NDLR : elle a été sauvagement violé puis égorgé), qui a mis le feu à son appartement pour la tuer.
Dans l’attente du jugement aux assises qui se fait attendre depuis 3 ans, la police et la justice conservent le secret de l’instruction. Néanmoins, entre temps, on a appris que le mis en cause avait déjà attaqué une autre femme trans travailleuse du sexe en région parisienne, en 2017 (NDLR : A l’époque déjà, depuis 2019, il avait été mis en examen pour tentative d’homicide dans ce précédent dossier, tout en restant libre sous contrôle judiciaire).
Depuis, on accompagne la famille de la victime et notamment sa nièce particulièrement éprouvée par la douleur de cet assassinat.
Si on remonte un peu plus loin dans le temps, en 2002, la communauté LGBT+ de Champagne-Ardenne avait déjà été endeuillée par le meurtre par noyade de François Chenu qui avait eu le malheur de tomber nez à nez avec un groupe de skinheads en traversant le parc Léo Lagrange.
Au moment des faits, un mineur de 16 ans, (NDLR : sympathisant du mouvement national républicain) était directement impliqué et son père avait même voulu dissimuler sa responsabilité (NDLR : en brûlant le portefeuille volé de la victime), avant de se retrouver condamné à son tour pour entraves à l’exercice de la justice et destruction de preuves.
A présent chaque année le 17 mai (NDLR : journée internationale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie) donne lieu à une commémoration en compagnie d’une délégation de la ville de Reims et une plaque commémorative a été apposée sur les lieux de l’agression, ainsi qu’un arbre planté en mémoire du défunt.
Dans l’ensemble pour remédier aux problèmes de visibilité, on essaie de miser sur la culture et la pédagogie avec des évènements qualitatifs dont l’envergure est régionale tels que le festival des BisQueers Roses qui existe depuis plus de 20 ans.
Autour de contes queers, de spectacles de marionnette ou de concerts, on essaie de fédérer le public champardennais autour du divertissement pour pouvoir se faire connaître et faire reculer l’ignorance en éduquant notre population. C’est en effet un des leviers de sensibilisation que nous avons identifiés. Et ça a l’air de marcher.
Si nous n’étions pas là, il faut dire qu’au quotidien, dans les zones rurales des Ardennes, à Rethel ou à Vouziers, la transidentité est totalement absente des débats, car c’est éloigné de la réalité de la plupart des habitants et sans notre action, le champ serait resté complètement libre pour les discours sexistes et non-inclusifs que l’on peut entendre quelques fois ici ou là au détour de remarques sur les familles homoparentales ».
Stop Homophobie : « Vous parlez de problèmes de recrutement de bénévoles, pourtant lors de l’organisation de la marche des fiertés du 18 mai dernier, vous ne manquiez pas de bras ?»
Samuel Tarcy : « Ponctuellement, l’on arrive à faire venir des bénévoles de la région, mais sur le temps long, la mobilisation est bien moins aisée.
Depuis les confinements successifs liés à la COVID, fidéliser des bénévoles est devenu encore plus difficile et l’on espère que les gens que nous avons rencontrés cette année vont rester.
A contrario, quand il s’agit des demandeurs d’asile LGBT+, ils sont beaucoup plus appétents à s’investir, car ils ont d’énormes besoins de sociabilité et ils souhaitent pouvoir sortir de leur isolement et de la zone d’attente administrative dans laquelle ils se trouvent durant de long mois ».
Réussite (demandeur d’asile originaire du Congo-Brazzaville) : « En centre d’accueil pour demandeur d’asile (CADA), on m’a orienté vers l’association Ex Aequo quand j’ai dit que ma demande d’asile était motivée par mon orientation sexuelle. Vivant à Bar-sur-seine dans l’Aube, où il n’existe aucune association LGBT+, c’est donc à Reims où ma demande d’asile est examinée que je m’investis en tant que bénévole. Mon rôle est de tenir le bar et d’occuper un espace qui favorise la convivialité.
En Champagne-Ardenne ici pour moi au début, ça n’a pas été simple en tant qu’étranger noir que de pouvoir me lier aux gens. Mais à présent, je me suis attaché à un groupe, une communauté locale et j’aime bien Reims. On peut dire que je me suis intégré grâce à Ex-aequo. Et ici au moins je peux mettre des boucles d’oreilles en tant qu’homme ou m’apprêter pour mes coupes de cheveux comme je le souhaite, chose qui était inimaginable dans mon pays natal ».