Lors de la Pride Radicale de Paris le 16 juin dernier, comme chaque année depuis 2021, l’organisation co-fondatrice de la marche « DIIVINESLGBTQI+ Visibilités et Représentativités Afro-Caribéen.nes LGBTQIA+ » était présente, avec un cortège musical et féminin composée de percussionnistes antillaises. Elles ont défilé entre la place de la République et la place de la Nation.
Cette année, les Outre-mer et singulièrement la Kanaky – Nouvelle-Calédonie insurgée était mise en avant, grâce à la présence de militants anticolonialistes kanaks issus du collectif solidarité Kanaky qui ont défilé côte à côte avec les femmes et les personnes non-binaires afro-queers au cri de « Kanaky vivra Kanaky vaincra » ou encore « Kanaky indépendante », « il est fini le temps des colonies dans tous les Outre-mer ».
2024 ne sera pas une année comme une autre
Stop Homophobie : « Quel sens prend cet évènement pour vous cette année ? »
Pierrette (fondatrice de DIIVINESLGBTQI+) : « Une Pride Radicale, ce n’est pas juste une marche parmi d’autres, mais c’est une marche des fiertés organisée par les minorités visibles au sein de la communauté LGBT+ de l’Île-de-France.
Cette année notre mot d’ordre c’est pour l’autodétermination et la libération des identités et des peuples, dans le contexte des guerres, notamment à Gaza. En fait, on voulait un mot d’ordre fort pour pouvoir être entendus et pour que la communauté afro-queer se mobilise en faveur de la paix dans le monde et de l’indépendance de tous les Outre-mer ».
Aussi dans le contexte politique actuel, on veut dénoncer la situation politique présente où nos ennemis de l’extrême-droite ont des chances d’arriver au pouvoir et de pouvoir former le prochain gouvernement. Plus que jamais on est en alerte et on ne se laissera pas faire. On n’a pas peur ».
Être ici avec ceux restés là-bas
Stop Homophobie : « Qu’est-ce que ça vous fait que d’être ici à la Pride Radicale ?»
Megan (militante du Collectif Solidarité Kanaky): « C’est un honneur d’avoir été invité par Pierrette des Diivines, parce qu’en Kanaky – Nouvelle-Calédonie, il n’y a pas d’association LGBT+ qui représente l’identité historique et sociale kanak de notre communauté à Nouméa.
Et de manière plus générale, les communautés mélanésiennes et océaniennes souffrent d’un véritable déficit de visibilité dans l’espace politique et social en métropole, ce qui engendre une certaine méconnaissance quant à ce qui se passe réellement sur place.
En tant qu’alliée je suis heureuse de pouvoir joindre ma voix à celle de la lutte pour l’émancipation des personnes LGBT+ afro-queers, dans un environnement hexagonal propice et ouvert à l’écoute des doléances et des revendications de décolonisation du peuple autochtone kanak, où notre parole est considérée sans mépris.
Cependant, aujourd’hui, l’heure est grave et il est temps de faire front commun par tous les moyens pour lutter contre la montée de l’extrême-droite, à la fois en tant que peuple et individu opprimé.
Étant donné que les bouleversements du calendrier électoral coïncident avec le mois des fiertés et l’organisation de cette Pride Radicale, ça nous fait un canal d’expression en plus, dont on se saisit dans la rue. Il nous faut nous unir contre le Rassemblement National pour qu’il ne passe pas ».
Un quotidien calédonien difficile
Stop Homophobie : « Samedi, on apprenait que la veille deux nouvelles personnes avaient été blessées par balles à la tête et au cou dans des émeutes en banlieue de Nouméa. La pression était-elle retombée sur place ou est-ce que la situation s’apprête à s’embraser de nouveau ? »
Megan : « Ce n’est pas une émeute mais une guerre civile et contrairement à ce qu’avancent certains médias la tension n’est pas du tout retombée et l’on dénombre déjà près 50 victimes bien loin du décompte officiel (8 morts) donné à la presse par les services du Haut-Commissaire, qui est le représentant des intérêts de l’Etat en Kanaky – Nouvelle-Calédonie.
Si Emmanuel Macron a annoncé la suspension du projet de loi constitutionnel qui devait dégeler le corps électoral – en raison de la dissolution de l’Assemblée Nationale – et permettre aux métropolitains installés récemment de prendre part au vote aux élections provinciales, suivant une logique de colonisation de peuplement, il n’a pas renoncé à ses intentions, d’où la poursuite de la mobilisation là-bas.
Et l’on a la chance de pouvoir compter sur une jeunesse kanak, wallisienne ou futunienne politisée et issue des quartiers défavorisés de Nouméa qui continue à maintenir les barrages pour créer un rapport de force et montrer toute sa détermination. Tant que Macron n’abandonne pas sa réforme nous ne lâcherons rien.
Les gens de mon âge et les plus jeunes – qu’on soit océaniens ou asiatiques – en ont assez d’être marginalisés économiquement et à présent ils veulent juste prendre leur place et ils ont compris que cela passe par le chemin de la souveraineté ».
Et demain ?
Stop Homophobie : « Envisagez-vous le scenario d’une arrivée de Jordan Bardella à Matignon, en tant que premier ministre ?»
Megan : « Ca serait une ère d’immenses incertitudes, même si l’on sait que le Front National devenu Rassemblement National est historiquement marqué par des prises de positions pro-coloniales, racistes et homophobes.
Je ne suis pas en mesure de vous dire ce qu’il va advenir, mais assurément l’on peut craindre que le pire soit devant nous, si l’extrême-droite venait à prendre les rênes du gouvernement de ce pays.
En attendant le verdict des urnes le 7 juillet, toutes mes pensées et condoléances vont aux familles des victimes endeuillées de Kanaky – Nouvelle-Calédonie. Olé héti (merci en langue kanak) ».
La fin de la Pride Radicale a vu Megan prendre la parole, pour réaffirmer qu’émancipation politique et sexuelle vont de paire.