Une élue espagnole dénonce l’acharnement contre les personnes trans dans un discours poignant

Le vendredi 21 février, à l’Assemblée de Madrid, la sénatrice et députée régionale trans Carla Antonelli a prononcé un plaidoyer poignant contre la tentative, finalement avortée, du parti d’extrême droite Vox de supprimer une loi protégeant les personnes transgenres.

Elle a dénoncé un acharnement systématique contre une communauté « historiquement persécutée » et fustigé l’obsession récurrente de questionner l’existence des personnes trans :

« Tout le monde veut savoir si nous sommes trans ou non, ce que nous sommes et ce que nous ne sommes pas, si nous avons des orgasmes, si nous sommes heureux, si nous nous sommes fait opérer, si nous nous mutilons… »

Son intervention, empreinte d’émotion, a été ovationnée et largement relayée sur les réseaux sociaux. Son message, devenu viral, est désormais un symbole de la lutte pour les droits des personnes trans :

« Laissez-nous tranquilles, pour l’amour de Dieu ! Et que ce soit clair : nous ne retournerons pas dans l’ombre. »

Une figure historique de la lutte trans

Née en 1959 à Güímar, sur l’île de Tenerife, Carla Antonelli est la première personne transgenre à avoir siégé dans une législature en Espagne. Élue à l’Assemblée de Madrid en 2011 sous les couleurs du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), elle a joué un rôle clé dans l’adoption de la loi espagnole sur l’identité de genre. Avant sa carrière politique, elle s’est illustrée comme actrice dans des séries télévisées telles que El comisario (1999), Extraños (1999) et Periodistas (1998).

Le contexte législatif en Espagne

L’Espagne dispose de 19 lois régionales protégeant les droits des personnes LGBT+, adoptées entre 2012 et 2022. Douze d’entre elles concernent l’ensemble de la communauté LGBT+, tandis que sept sont spécifiquement dédiées aux personnes trans. Une loi nationale a également été adoptée en 2023 pour garantir l’égalité réelle et effective des personnes trans et protéger les droits des personnes LGBT+. Seules la Castille-et-León et les Asturies ne disposent d’aucune législation en la matière.


Un plaidoyer sans concession

Lors de son discours, Carla Antonelli a dénoncé la stratégie de l’extrême droite, qu’elle accuse de vouloir légitimer la violence à l’encontre des personnes trans :

« Ce qu’ils alimentent, ce n’est pas seulement de la haine : c’est le germe d’un génocide et d’un extermination de genre. Mais notre existence ne dépend pas de leur condescendance. Être libres est un droit inaliénable en démocratie. Ils sèment la haine pour qu’une foule s’en prenne ensuite à nous. Avec cette abrogation, ils cherchent à donner une couverture légale à la violence contre les personnes trans. Ils ont fait de nos corps leur punching-ball, l’endroit où ils déversent leur fureur, leurs frustrations et leur misère morale. Nous sommes leur écran de fumée idéal. »

Elle a poursuivi en dénonçant l’épuisement moral causé par ces attaques incessantes :

« Se sont-ils seulement arrêtés un instant pour penser aux heures, aux minutes, aux jours, aux semaines, aux mois, aux années… Aux années que nous, les personnes trans, avons déjà passées à devoir nous défendre contre eux ? Nous sommes huit milliards d’humains sur cette planète, pourquoi consacrer une minute et demie de leur foutu temps à nous pointer du doigt ? Nous sommes devenus la cible de tout le monde. Il faut absolument que chacun sache que nous sommes trans, si nous avons des orgasmes, si nous sommes heureux, si nous nous faisons opérer. Par pitié, laissez-nous tranquilles ! »

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les personnes trans représentent entre 0,3 et 0,5 % de la population mondiale.

Enfin, elle a rappelé que les personnes trans ne sont plus reléguées aux marges de la société :

« Ils veulent nous priver de soins médicaux spécialisés et mettre nos vies en danger, comme cela s’est déjà produit par le passé. À l’époque, ils ne se souciaient pas de notre existence, parce que prostituées et expulsées, nous ne les dérangions pas. Leurs prédécesseurs nous traquaient, nous chassaient dans les parcs et les rues. Aujourd’hui, nous avons quitté les marges : nous sommes à l’université, dans les entreprises ; nous sommes professeures, pharmaciennes, actrices, militaires, policières, avocates, écrivaines… Nous occupons des sièges et nous avons une place dans l’État. Nous n’avons plus peur. Nous ne retournerons pas dans l’ombre. »