Jori Orlando Torres-Moye est bolivien. Il a rencontré son compagnon – français – en 2008 et signé un pacte civil de solidarité (pacs) avec lui le 10 juin 2009, homologué en septembre de l’année suivante. Cependant, lorsqu’il demande une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », il se heurte à une décision de rejet du préfet de police. Le 8 décembre 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté son pourvoi.
Mardi 23 avril, c’est devant le Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), que l’avocat de M. Torres-Moye, Jean-Pierre Chevallier, plaidait pour le droit de son client à mener « une vie familiale normale ». Et, à ce titre, contestait la constitutionnalité du quatrième alinéa de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Aux termes de cet article, « sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit (…) à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française (…)« . C’est cette discrimination entre couples mariés et couples unis par un pacs qui motivait la QPC.
Le droit à « une vie familiale normale« est un principe consacré par le Conseil constitutionnel. Pour Me Chevallier, l’article L. 313-11 y fait obstacle. Il s’est défendu de réclamer un statut particulier pour son client. « Ce n’est que quand l’impossibilité d’accéder à un statut juridique a pour effet d’empêcher de mener une vie familiale normale que la norme juridique doit être regardée comme portant atteinte à ce droit », a rappelé l’avocat.
SITUATION DE PRÉCARITÉ
En l’occurrence, M. Torres-Moye et son compagnon se sont retrouvés dans une situation de précarité, le premier étant empêché par ce texte d’obtenir un titre de séjour de plein droit et le droit au mariage n’étant pas accordé à l’époque – du moins à cette date – aux couples homosexuels. C’est dire si cette QPC entrait en résonance profonde avec l’actualité. « Il ne s’agit pas de trancher un quelconque débat de société, a conclu Me Chevallier. Il s’agit simplement de trancher le fait que l’étranger lié par un pacte de solidarité a droit, comme l’étranger marié à un ressortissant français, à un titre de séjour temporaire mais de plein droit. »
Pour le représentant du gouvernement, Eric Potier, « les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’égalité ». Selon lui, les étrangers ayant contracté un pacs sont dans une situation différente de ceux unis par les liens du mariage avec un ressortissant français. Le régime du mariage, a-t-il rappelé, a pour objet d’organiser non seulement les obligations personnelles, matérielles et matrimoniales des époux pendant la durée de leur union mais également d’assurer la protection de la famille, y compris en cas de dissolution.
« Un pacs ne peut être assimilé à un mariage », a poursuivi M. Potier, apportant ainsi la démonstration que le pacs n’offre ni les mêmes droits ni les mêmes garanties que le mariage et que, de ce fait, les couples homosexuels se voient – pour quelques semaines encore – privés de ces mêmes droits et garanties accordés aux couples hétérosexuels mariés.
La décision sera rendue le 22 mai.
Patrick Roger
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