Cette semaine à Rouen, les deux mariages de même sexe auront lieu à l’Hôtel de Ville. Le premier couple a se marier sera un couple de femmes puis samedi 6 juillet un couple d’hommes. Un peu plus d’un mois après l’adoption du mariage pour tous, Rouen aura ses deux premiers mariages. Rencontre avec Jean et Jean-Jacques qui se marieront samedi prochain et la réaction d’Hélène Klein, adjointe au maire de Rouen qui les mariera. Comment ont-ils vécu les derniers débats, que signifie le mariage pour eux…
Jean et Jean-Jacques, futurs mariés…
Gaynormandie : Vous êtes ensemble depuis combien de temps ? Qui a demandé qui en mariage ?
Jean : Ça fait 28 ans qu’on est ensemble et c’est moi qui lui ai demandé sa main. C’est super rigolo en fait quand c’est pour de vrai !
Gaynormandie : Quelle signification donnez-vous au mariage ? Et à VOTRE mariage ?
Jean : Le mariage en général, c’est un truc à ne pas mettre entre toutes les mains car c’est de plus en plus un moyen d’asservissement moral et physique et de plus en plus un produit commercial. En fait, je trouve bizarre quand même de signer un contrat de vie avec une signature en bas d’une feuille entre deux personnes alors que l’on parle d’amour. Maintenant qu’après tant d’efforts à lutter pour que les uns, homos, puissent avoir les mêmes droits que les autres, hétéros, le mariage n’est pas seulement un contrat (bizarre je le répète) mais surtout dans notre cas à nous deux c’est un signe d’encore plus de liberté publique.
Tout le monde n’a pas lutté pour le mariage pour les homos loin de là. Je compare ce fait à de l’apartheid : on aurait construit dans la cité un pont praticable uniquement par certaines personnes selon ce qu’elles sont ou ne sont pas, au nom, (et là je suis plié en deux de rire et de pleurs) au nom d’un amour divin ou païen ou ce que vous voulez ! J’ai même entendu parler de civilisation dans les manifs contre !
Personnellement… Mon mariage avec Jean-Jacques est une façon parmi plusieurs de lui dire que je l’aime, un point c’est tout.
Gaynormandie Comment avez-vous vécu la période difficile qui vient de s’achever sur le mariage pour tous ?
Jean : Très mal vécu tous cette violence collective débridée scandaleuse méchante inhumaine cynique insultante vulgaire liberticide interdite. Comment au nom de l’amour de son prochain peut-on être aussi dégueulasse ? Pour moi, à soixante piges, me marier c’est un doigt d’honneur gigantesque à tous les donneurs et donneuses de leçons, ces ayatollahs de la morale. Quand j’ai dit à ma garagiste que j’allais me marier, elle a demander inquiète : «Ben. vous n’avez pas peur ? »
Gaynormandie : On vous a vu souvent dans les luttes pour l’égalité à Rouen soit à titre individuel ou avec le monde associatif. Que reste t’il aujourd’hui comme lutte ?
Jean : Ce qu’il reste ? Mais tout, il reste tout ! La démonstration de l’homophobie n’a-t-elle pas été évidente cet hiver ? Le sida a-t-il disparu ? Je pense beaucoup à ces adolescent(e)s qui se cachent dans leur propre famille de la haine distillée au quotidien ! Ces employeurs qui virent illico presto leur salarié(e) dès qu’ils savent qu’il est homo, on en connait tous ! Je ne vois rien qui ait changé à ce sujet depuis un an, sinon en pire !
Où sont les associations de défense des LGBT en Normandie qui ne soient pas tombées dans la «normale» et qui ont un discours public de lutte ? Certes il y a des assocs mais ne sont-elles pas simplement des amicales de joueurs de pétanque par exemple et sponsorisées par quel bar, quelle entreprise de matraquage publicitaire ou autre ?
Gaynormandie : Un dernier mot ?
Jean : Sûrement pas de dernier mot ! Je gueule encore !
Réactions d’Hélène Klein, Maire-Adjointe à Rouen.
Hélène Klein est chargée de la Vie associative, de la Citoyenneté, des Maisons de quartier, de la Lutte contre les discriminations et des Droits des femmes. C’est Jean et Jean-Jacques qui ont voulu qu’Hélène Klein les marie. L’adjointe au Maire de Rouen avait déjà été la première a organisé les cérémonies de PaCS à l’Hôtel de Ville.
Gaynormandie : Que présente pour vous ce mariage que vous allez célébrer ce samedi 6 juillet à Rouen ?
Hélène Klein : Une avancée de l’égalité dans l’accès des droits à tous les citoyens. Cela sera un moment fort car j’ai milité personnellement depuis le début de mon mandat contre les discriminations avec des réussites comme la mémoire de la Déportation enfin reconnue sous toutes ses formes, l’accès à ce couple comme les suivants pour avoir une cérémonie de PaCS en mairie, et les actions de lutte contre l’homophobie. Cette émotion sera partagée avec le couple et leurs invités.
Gaynormandie : Quels enseignements avez-vous appris du débat parlementaire lors de l’examen du projet de loi mariage pour tous ?
Hélène Klein : La question méritait de débattre même au-delà de l’Assemblée mais je regrette l’instrumentalisation médiatique qui a été mis en avant par les opposants parfois les plus réactionnaires avec une violence inacceptable. De plus les médias ont évité dans le même temps de mettre en avant d’autres débats très importants pour le pays comme le projet de loi accord national interprofessionnel qui aura de sérieux impacts sociaux pour les travailleurs du pays. Reste, pour avancer, l’homoparentalité en menant la mobilisation … pour une future loi. J’y serai attentive.
Gaynormandie : Aujourd’hui à Rouen comme dans d’autres villes, les opposants à la Loi sont toujours actifs comme les veilleurs devant l’hôtel de ville ou les banderoles sur la colline Ste Catherine, quelle est votre réaction ?
Hélène Klein : Ces personnes stigmatisent une communauté, hérissent en convictions personnelles, religieuses un droit qui n’a rien à voir avec. La République est laïque. La loi républicaine doit s’appliquer et les élu-es doivent œuvrer pour son respect.
Gaynormandie : Que reste t’il à faire à Rouen pour la lutte contre l’homophobie, les prochaines actions ?
Hélène Klein : Nous travaillons à former les agents municipaux pour éradiquer les discriminations au travail ou dans la sphère privée , c’est un premier axe…En direction du public notamment les jeunes, nous les sensibilisons par des initiatives multiples comme la semaine contre l’homophobie autour du 17 mai, comme le concours SMS.
La mobilisation des associations avec le partenariat de notre collectivité est un atout pour convaincre. Rassembler et non diviser reste un objectif incontournable.