La violence homophobe sans complexe !

De nombreux homosexuels vivent mal le déferlement de violence né des débats sur le mariage pour tous. Chez les plus jeunes, ce malaise  s’ajoute à des situations  familiales compliquées. Témoignages.

Depuis les premières manifestations d’opposants au mariage pour tous, la parole homophobe s’épanouit. Derrière leur clavier ou depuis leur pupitre, de nombreux acteurs politiques, essentiellement issus de la droite « décomplexée », la légitiment. Et de manière souvent violente. Pour l’ancienne ministre Christine Boutin, le « mariage gay » équivaut à un « mariage OGM ». Sur Twitter, des militants UMP multiplient les allusions douteuses quand l’un d’eux n’appelle pas à des rafles : « Ce qui est cool avec Act Up, c’est qu’ils portent déjà le triangle rose. Ça va faciliter les choses… »

« Nous savions à quoi allaient conduire les débats sur le mariage », explique Frédéric Gal, directeur général du Refuge, structure d’accueil pour les personnes victimes d’homophobie. « Les événements nous ont hélas donné raison. En décembre dernier, nous avons vu notre activité multipliée par six. » Pendant que la parole se libère, des jeunes homosexuels qui peinent à faire accepter leur choix amoureux récoltent les fruits de ces dérapages parfaitement contrôlés. « Mon frère m’a appelé pour parler des vacances que nous devions passer en famille, alors que je n’avais pas eu de nouvelles de lui depuis plusieurs mois », explique Thibault, un étudiant en communication. « Il m’a vertement fait comprendre qu’il ne voulait pas que je lui impose ça. Ni à lui ni à sa fille. » Le « ça » qualifiait la présence de son compagnon. « Il n’a même pas voulu mettre de mots dessus. » Blessé, Thibault impute une partie de cette violence au climat généré par les opposants au mariage pour tous, notamment au mouvement de Frigide Barjot, la Manif pour tous : « Je connais très bien leur argumentaire et quand mon frère me reproche une relation contre nature, je sais pertinemment que ça ne vient pas de lui. Ce n’était pas son vocabulaire avant les débats. »

Jacques, un catholique de trente-neuf ans issu d’une famille aristocratique, a connu, et tout aussi mal vécu, les manifestations antipacs de 1999. Pour lui, la situation se trouve aujourd’hui aggravée par l’éclosion des réseaux sociaux. « À l’époque du pacs, les opposants s’exprimaient à coups de tracts et, aujourd’hui, ils inondent les réseaux sociaux de contrevérités. Ils créent des blogs où leur violence verbale s’exprime toujours aussi fortement. » Jacques a dû quitter le foyer familial le jour de ses dix-huit ans. Plus de vingt ans après, ses parents qui tentaient, à l’époque, de le « guérir » de son homosexualité, n’en démordent pas. « Ils étaient actifs et présents aux manifestations de 2013 », se désole celui qui n’a jamais trouvé de soutien, pas même auprès de l’un de ses neuf frères et sœurs. Thibault, lui, a passé la manifestation des opposants du 13 janvier à pleurer devant sa télévision en apprenant que ses grands-parents y étaient présents.

Ce même jour, de jeunes homosexuels enrôlés par leurs parents défilaient contre le mariage pour tous aux côtés des catholiques intégristes de Civitas, d’élus FN et de nombreux députés UMP. « On essaye en permanence de les rassurer,
explique Frédéric Gal. J’aimerais que tous ces élus viennent voir la souffrance de ces jeunes. Qu’ils se confrontent enfin à la réalité. Qu’ils comprennent que l’homophobie n’est pas qu’une question de violences physiques. C’est aussi le refus de l’autre comme étant son égal. »

Coup de sang d’act up
Dimanche, Act Up a maculé de faux sang la façade de la Fondation Lejeune à Paris. L’association condamne ainsi « la haine homophobe que ces organisations réactionnaires déversent dans l’espace public ». Cette fondation emploie la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, en tant que chargée de communication. Active dans la recherche sur la trisomie 21, la Fondation Lejeune, reconnue d’utilité publique, milite aussi contre l’avortement, y compris pour les grossesses dues à un viol…

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