Ils ont été parmi les premiers mariés homosexuels de Bordeaux 🙂
Bébé. Dit comme ça, avec cet accent italien classieux, on voudrait tous se faire appeler « bébé ». Dans la cuisine, Massimo tend un plat à Inès, « bébé » donc. « Mon mari, souffle-t-il. J’adore ce mot, j’aime le prononcer car pour moi il a du sens. »
Depuis onze ans, Massimo, manager de société en recherche d’emploi, italien de Rome, et Inès, salarié de la SNCF, vivent leur amour. En 2008, ils se sont pacsés. Le 29 juin, ils se sont mariés à la mairie de Bordeaux. Sans en faire tout un plat.
en chiffres
349 : Le nombre de mariages célébrés à la mairie de Bordeaux entre le 1er juin et le 11 septembre dernier.
23 : Le nombre de mariages de personnes du même sexe célébrés depuis début juin.
136 : Le nombre de mariages qui vont être célébrés à la mairie de Bordeaux entre le 14 septembre et le 28 décembre.
17 : Le nombre de mariages entre personnes de même sexe qui seront célébrés durant cette même période.
38 : Le nombre de mariages homosexuels célébrés à Bordeaux entre le 1er juin et le 28 décembre 2013.
« Lorsque nous nous sommes pacsés, à Paris, où nous vivions alors, j’ai vécu ce moment avec une grande intensité. Je suis italien, et mon pays coince beaucoup sur la reconnaissance de l’homosexualité. J’étais sur la planète Mars en France. La tolérance, quelle merveille. Et… sans doute quelle naïveté. » Le couple a déménagé à Bordeaux quelques années plus tard, puisqu’Inès en est originaire et a décidé de faire un pas de plus dans l’officialisation de leur relation. L’ultime : le mariage.
Massimo et Inès ont suivi pas à pas l’avancée du projet de loi. « La France, je suis né dans ce pays, remarque Inès, qui a toujours été pour moi le pays de l’égalité. Quelle contradiction, quelle hypocrisie. Les résistances qui se sont manifestées toute l’année vis-à-vis de la loi Mariage pour tous m’ont surpris. » « Choqué, ajoute Massimo. Il y a des milieux laïques où tu respires bien en France, mais nous avons pu remarquer que d’autres sont ancrés dans des valeurs ultra-conservatrices. »
Mariage symbole d’égalité
À l’annulaire gauche, ils portent une bague identique. Ils aiment l’art, la déco, les voyages, leurs amis, ils désirent s’inscrire dans une société plus « humaine ». Du bon cliché certes, mais dans un élan de sincérité total. « On s’est mariés pour entrer dans l’espace social de plain-pied, en tant que couple. Officiel. Pour être comme tout un chacun, remarque Inès. Je n’ai jamais souffert d’être homo. Ni dans mon entourage personnel, ni professionnel. La SNCF a considéré Massimo comme mon compagnon, avant même que nous soyons pacsés. Il a donc les mêmes avantages, facilités de voyages, etc. »
Tous deux racontent avec tendresse cette journée du 29 juin, inondée de soleil, avec, à la mairie, des concerts, du monde. « C’était pendant Les Participiales. Nous n’avons ressenti aucun malaise, l’accueil a été naturel. Alain Juppé est venu à notre rencontre, il nous a félicités. Tout était juste, à sa place. »
Si le mariage a changé quelque chose dans leur vie ? Massimo parle le premier : « Inès n’est plus mon ami ou mon copain, mais je dis mon mari. Aussi, je me sens plus épanoui, accompli. » Inès respire un grand coup : « Il est ma famille désormais. Savoir ceci me rassure profondément, me stabilise. Il y a eu des batailles pour arriver jusque-là, nous en avons conscience. Au regard de la société, nous aurons les mêmes droits, quel acquis ! » Tous deux sont bouleversés par ce constat qu’ils ont l’air de formuler pour la première fois. « Le gouvernement français a monté au premier plan des préoccupations nationales une valeur humaniste, reprend Massimo. Avant même les problèmes économiques. Au risque d’y laisser des plumes. Les manifs font partie de la démocratie. »
Massimo et Inès ont gardé des semaines leur livret de famille sur la table, bien en vue.
« Un vrai débat au sein du Conseil »
À la mairie de Bordeaux, au sein de la municipalité, l’hiver et le printemps furent un peu agités. En effet, des élus de la majorité ayant manifesté leur opposition au projet de loi Mariage pour tous ont jusqu’au bout affirmé leurs convictions, et refusé de célébrer les mariages homosexuels. Alain Juppé a prêché pour l’apaisement, et sollicité lui-même les élus qui assureraient cette fonction.
Sonia Dubourg-Lavroff et Constance Mollat ont été les pionnières. « Alain Juppé m’a invitée à célébrer les mariages homos, car j’étais plutôt neutre, il le savait. J’ai appliqué strictement la loi, en tant qu’officier d’État civil », commente Sonia Dubourg-Lavroff.
« Sincérité et émotion »
Derrière la rigueur de la déclaration, Sonia Dubourg-Lavroff se laisse aller à un soupçon de sentimentalisme. « C’était comme un mariage hétéro. D’ailleurs, sur ces journées, les homosexuels étaient précédés ou suivis de mariages hétéros. Dans les deux célébrations gay que j’ai réalisées, j’ai été sensible à la sincérité, à l’émotion palpable. Dans les deux cas, il s’agissait de vieux couples, et pour eux, c’était l’expression sincère d’une liaison solide, comme un engagement de plus. » Volontairement, les mariages homos n’ont pas été « victimes » de médiatisation outrancière. « Et tant mieux, précise l’élue. Nous n’avons jamais rien entendu de désobligeant. Lorsqu’on voit comme tout ça se déroule dans le calme et la normalité, on peut s’étonner du bruit que ça a suscité quelques semaines auparavant… »
« Ma position est d’être à l’écoute face à un engagement sincère, total. Ce qui m’a été donné à voir n’a rien de bizarre, tordu ou contre-nature. »
Un mouvement de trouble
Si Sonia Dubourg-Lavroff a assuré les premiers mariages, d’autres élus ont suivi le plus naturellement du monde. « Les manifestations avant l’approbation de la loi, reprend Sonia Dubourg, sont les symptômes d’une société qui se questionne sur l’avenir du couple, sur le fait que cette loi semble remettre en question le couple classique. C’est un mouvement qui signale un grand trouble, avec beaucoup d’interrogations autour de la famille. Le Mariage pour tous ne répond pas à tout d’ailleurs. »
« Au sein du Conseil municipal, nous avons beaucoup échangé sur ce projet de loi. On s’est tous mis d’accord pour dire que c’était un problème de conscience individuelle. Le maire a choisi de respecter la conscience de chacun. »
I. C.
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