Ouganda : Quand un pasteur évangéliste lance une croisade contre l’homosexualité

A l’origine des déboires judiciaires de Bernard Randall, ce retraité britannique de 65 ans accusé de « trafic d’images obscènes« , après la parution dans la presse ougandaise de photos le montrant lors de relations sexuelles avec un autre homme : le pasteur ougandais Solomon Moses Male, s’est lancé dans une  croisade contre l’homosexualité.

Personnalité médiatique dans son pays, ce pasteur évangéliste de 51 ans mène en chaire, dans les médias ou les écoles un combat haineux et délirant contre l’homosexualité, qu’il prétend pouvoir guérir et accuse de provoquer de terribles blessures anales chez les hommes et la perte de l’utérus chez les femmes.

Un discours porteur en Ouganda, pays très largement homophobe, où les relations homosexuelles sont passibles de la prison à perpétuité.

C’est lui qui a envoyé en octobre une vidéo montrant le retraité britannique Bernard Randall ayant des relations homosexuelles au tabloïd Red Pepper – largement consacré aux ragots et scandales sexuels – qui en a publié les images.

Bernard Randall, Britannique de 65 ans qui se rend régulièrement en Ouganda, est depuis inculpé par la justice ougandaise, bien qu’il affirme que ces images privées et filmées hors d’Ouganda se trouvaient dans un ordinateur qui lui a été volé lors d’un cambriolage. Il risque deux ans de prison.

Un ami ougandais, inculpé en sa compagnie et qui nie être homosexuel, risque lui une peine de sept ans de prison pour « outrage à la décence ».

Peur d’être lynché

Mais pour le pasteur, les vraies victimes de cette affaire sont les deux jeunes – pourtant désormais inculpés de vol par la justice ougandaise – qui lui ont remis la vidéo: « Ils sont innocents ; Bernard Randall leur a donné la vidéo pour les attirer vers l’homosexualité », affirme-t-il. Car les homosexuels, dit-il, mènent des campagnes pour « enrôler » des jeunes, contre de l’argent ou des promesses d’avenir meilleur.

« Beaucoup d’Ougandais ‘rejoignent’ l’homosexualité simplement parce qu’ils pensent qu’ils peuvent obtenir l’asile en Occident, mais pas parce qu’ils sont homosexuels », assure le Pasteur. « C’est stupide d’affirmer que les homosexuels sont nés comme ça », poursuit-il, prononçant d’une voix douce un discours violemment anti-homosexuels.

Le pasteur Male, capable de s’emporter quand il est contredit, dit avoir décidé de « se battre » car « l’homosexualité est dangereuse ». « J’ai conseillé de jeunes hommes qui ont eu le rectum percé, de jeunes femmes qui ont perdu leur utérus parce ce qu’elles s’étaient adonnées au lesbianisme », assure-t-il avec aplomb.

Un temps pasteur de la Holy Church of Christ, une des innombrables Eglises évangéliques qui pullulent sur le continent africain, il a fondé son propre mouvement, Arising for Christ (ARCH) qui prétend dénoncer la corruption de pasteurs concurrents qu’il accuse d’extorsion, d’escroquerie et… de sodomie.

Cette année, il a été condamné à 1 million de shillings ougandais (285 euros) d’amende pour avoir diffamé un pasteur en l’accusant d’avoir sodomisé des hommes et de jeunes enfants. Une condamnation, dit-il, due au simple fait que magistrats, policiers et témoins du procès sont corrompus.

De petite taille, les cheveux poivre et sel au-dessus d’un regard malicieux, il n’hésite pas à provoquer. Fin mars 2013, il a lancé sa campagne « Dites-non à l’homosexualité » à proximité du cimetière où repose David Kato, figure de la cause gay en Ouganda, battu à mort chez lui en janvier 2011, trois mois après la parution de son nom et d’autres dans un magazine prétendant « dénoncer » les homosexuels sous le titre « Pendez-les ».

Pourtant, le pasteur Male affirme ne vouloir aucun mal aux homosexuels, qu’il se dit prêt à accueillir pour les remettre dans le « droit chemin ». « Je combat l’homosexualité, pas les individus. J’aime les individus et je les encourage à venir me voir. J’ai conseillé tellement de personnes qui disaient être homosexuelles et qui ont depuis changé leur façon de vivre. Je ne déteste pas les homosexuels, mais les actes homosexuels », explique-t-il.

Pourtant, beaucoup le craignent. « J’ai peur du pasteur Male, j’ai peur de son influence », a confié à l’AFP Bernard Randall, qui raconte s’être terré durant plusieurs jours après la participation du pasteur Male à une émission de radio locale, de peur d’être lynché.

(Avec AFP)