Si effectivement de nombreux musulmans sont aujourd’hui homophobes, ce n’est pas le cas de leur religion qui n’a jamais prohibé l’homosexualité. D’ailleurs, les musulmans n’ont pas été homophobes aux premiers temps de l’islam ni surtout au moment de son apogée. Ce sont les temps de décadence qui les ont changés.
L’homosexualité est admise en islam
En effet, contrairement à la Bible, il n’est aucune prescription portant sur la pratique homosexuelle. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de le dire déjà ici.
Tout ce qu’on trouve dans le Coran, ce sont des récits rappelant la pratique chez les gens de Loth et l’anathème qui la concerne dans les religions judaïque et chrétienne.
Pareillement, la tradition du prophète authentifiée par ses deux compilateurs majeurs, les plus véridiques, ne comporte aucun dire prophétique en matière d’homophobie. Tout ce qu’on rapporte du prophète n’est cité ni par Boukhari ni par Mouslem et est considéré comme apocryphe par les plus méticuleux des traditionnistes.
Nombre de jurisconsultes anciens comme modernes affirment d’ailleurs la licéité de l’homosexualité en islam. Et ils rappellent que la preuve la plus évidente en la matière est l’existence de l’homosexualité au paradis (1).
D’ailleurs, tout comme on le voit aujourd’hui en Occident, la pratique homosexuelle avait pignon sur rue dans les heures les plus riches de la civilisation arabe islamique. Nombre de docteurs de la loi n’hésitaient même pas à afficher leur homosexualité comme le légiste et juge suprême du début de la dynastie abbasside Yahya Ibn Aktham, souvent cité par Abou Nouas qui chanta mieux que quiconque l’homosexualité et qui se réclamait de son rite.
Ce sont les musulmans qui sont homophobes
Si l’homophobie est aujourd’hui la règle dans les pays musulmans, elle ne vient donc pas de l’islam. Ainsi, toutes les lois homophobes sont des lois qui violent l’esprit et la lettre de l’islam.
En effet, ce sont les jurisconsultes musulmans qui ont fabriqué le délit d’homosexualité par analogie avec l’adultère. Ce faisant, ils ont réintroduit en religion islamique ce qu’elle n’avait pas retenu des religions monothéistes précédentes: leur anathème de l’homosexualité.
Des raisons objectives expliquent ce comportement homophobe de la part des docteurs de la loi en islam. D’abord, pour la plupart, ils n’étaient pas arabes; or, l’homosexualité était tolérée chez les Arabes qui avaient, en la matière, des pratiques similaires à celles des Grecs.
Ensuite, cette pratique était majoritairement réprouvée de par le monde, ayant été considérée comme une tare, une turpitude sous l’influence de la tradition judéo-chrétienne.
Enfin, cette tradition était par trop prégnante dans les mœurs de la péninsule arabique et elle heurtait de front celles des Bédouins arabes qui étaient jugées en coutumes frustes autorisant la pratique du sexe sous toutes ses formes possibles pour un plaisir total.
L’homophobie est à déclarer hors la loi en pays d’islam
En reconnaissant l’existence de l’homosexualité au paradis à travers les adolescents et les éphèbes qui s’y trouvent destinés aux pieux dont la nature porte sur l’homosexualité, l’islam prouve, selon ses jurisconsultes mêmes, qu’il a eu une conception moderne et juste du sexe. Aussi n’a-t-il pas interdit ce qui relevait de la nature humaine comme allait le prouver la science de l’homme.
Par conséquent, toutes les lois homophobes qui se réclament de nos jours de l’islam doivent être abolies si elles veulent continuer de se réclamer d’une telle fidélité. Car elles n’ont fait qu’usurper cette conformité à la foi islamique pour imposer un ordre moral machiste et dictatorial en vue de contrôler les tendances libertaires et foncièrement sensuelles de la nature de leurs sujets arabes.
En Tunisie, comme au Maroc, les nouvelles constitutions proclament en acquis fondamentaux les droits et les libertés individuelles qui impliquent la levée de toute discrimination sur la base du sexe. Aussi, l’homophobie doit y être déclarée instamment hors la loi.
En effet, on ne peut plus prétendre que l’homosexualité viole l’islam, car ce sont justement les lois homophobes qui le défigurent et bafouent sa conception du sexe qui fut moderniste avant la lettre. Que les démocrates de ces pays réalisent donc en ce jour que leur devoir est d’appeler à une abolition immédiate et sans restriction de la moindre législation nourrissant l’homophobie. Car l’islam n’est nullement homophobe.
Bien sûr, d’aucuns se demanderont comment il se fait que les musulmans se soient ainsi trompés sur leur religion des siècles durant, ne réalisant pas la nature contraire à la religion de leur législation. La réponse est simple.
D’abord, le pouvoir politique en terre d’islam est de nature dictatoriale depuis les Omeyyades, instrumentant à sa guise et selon ses intérêts la religion.
Ensuite, il n’est ni honnête ni juste historiquement de prétendre que l’on n’avait pas déjà signalé et dénoncé le caractère contraire à l’islam des lois homophobes. Les soufis l’avaient dit et ont volontiers, pour certains, pratiqué la pédérastie à la manière grecque. On sait que l’on avait, dans la culture grecque, l’éromène (jeune adolescent) et l’éraste (homme adulte), couple pédérastique à vocation à la fois initiatique qu’érotique. Or, cette pratique était reproduite entre certains cheikhs soufis et leur mourid.
(1) Voir sur cette question la référence en la matière, le livre du cheikh d’Al Azhar M. Keshk dans son ouvrage: Réflexion d’un musulman sur la question sexuelle publié en arabe au Caire en 1992. Le texte est disponible en téléchargement sur internet.
Farhat Othman
juriste, politiste, sociologue et ancien diplomate
huffpostmaghreb