Il y a 30 ans, suite au décès de son compagnon Michel Foucault, Daniel Defert, adressait une lettre à quelques amis, leur proposant de créer ce qui allait devenir l’association AIDES.
C’est cette lettre que Aides vous propose de redécouvrir aujourd’hui.
« C’est la première mouture d’un projet d’association, qu’il s’agit d’amender mais je tiens aux grands axes. J’ai passé du temps activement à Londres auprès du Terrence Higgins Trust, lui-même inspiré par l’exemple de Gay Men’s Health Crisis des États-Unis. Je pars de leurs réalisations. Avant de les rencontrer je savais déjà que la question du SIDA ne pouvait pas être plus longtemps confinée comme question médicale.
Crise du comportement sexuel pour la communauté gaie, le SIDA prend de plein fouet majoritairement une population dont la culture s’est récemment édifiée autour de valeurs gymniques, de santé, jeunesse perpétuée. Nous avons à affronter et institutionnaliser notre rapport à la maladie, l’invalidité et la mort.
La communauté sera bientôt la population la plus informée des problèmes immunitaires, la plus alertée sur la sémiologie du SIDA et les médecins confinent encore leurs scrupules déontologiques à taire ou non la chose au malade. C’est dépassé et les gais n’ont pas pris la mesure des conséquences morales, sociales et légales pour eux.
La libération des pratiques sexuelles n’est pas l’alpha et l’oméga de notre identité. Il y a urgence à penser nos formes d’affection jusqu’à la mort, ce que les hétéros ont institutionnalisé depuis longtemps. Je ne retournerai pas mourir chez maman. Nous risquons de nous laisser voler une part essentielle de nos engagements affectifs. Dé familiarisons notre mort comme notre sexualité. Les mouvements gais n’offrent que des alternatives sexuelles : la masturbation comme nouvelle ressource de l’imagination.
Il y a d’autres intensifications affectives à promouvoir au sein de la culture gaie, je dis que c’est un problème culturel donc il y a des aspects psychologiques, matériels et légaux. Il faut les aborder de front. C’est mieux que la panique ou la moralisation. Face à une urgence médicale certaine et une crise morale qui est une crise d’identité, je propose un lieu de réflexion, de solidarité et de transformation, voulons- nous le créer ? »
« Trente ans après, on peut mesurer à quel point Daniel avait anticipé l’ampleur de la crise qu’allait constituer l’épidémie de Sida pour les communautés les plus vulnérables. Certains de ses mots résonnent malheureusement encore avec acuité aujourd’hui. »
Bruno Spire, Président de AIDES.
http://www.aides.org/presse/il-y-30-ans-2773
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