Mariage gay : les notaires craignent une loi trop hâtive

INTERVIEW – Selon Jean Tarrade, nouveau président de Conseil du notariat, il y a un risque de dérive du « mariage pour tous » à l’« enfant pour tous ».

Jean Tarrade vient d’être élu à la tête du Conseil supérieur du notariat. Le nouveau président des notaires met en garde contre une trop grande précipitation dans le projet de loi sur le ma
riage homosexuel.

LE FIGARO. – Vous demandez plus de temps pour examiner les conséquences d’une loi sur le mariage homosexuel. Pour quelles raisons?

JEAN TARRADE. – Une mauvaise loi peut avoir des conséquences très lourdes. Avec ce projet, nous nous apprêtons à toucher à une institution millénaire. Le mariage a toujours été l’union d’un homme et d’une femme pour fonder un foyer et avoir des enfants. Nous souhaitons donc que toutes les répercussions de cette loi puissent être envisagées avant qu’elle soit promulguée. Nous ne portons pas de jugement sur ce projet, mais – c’est une question de bon sens – il faut prendre le temps de vérifier que les nouveaux textes correspondent bien à des vrais besoins et ne créerons pas des problèmes. Si l’on se fonde sur le nombre de couples de même sexe pacsés et les statistiques de nos voisins belges et espagnols, environ 2 % de la population formalise une union homosexuelle. Il faut donc prendre cette demande en compte, mais il n’y a pas non plus d’urgence à légiférer.

Avez-vous des exemples concrets de situations qui pourraient être difficiles à régler si la loi était votée?

Ce projet soulève notamment des questions liées au statut du beau-parent. Dans un couple, si le conjoint adopte l’enfant de l’autre, quel sera le statut de l’autre parent biologique? Quelles seront les obligations de l’enfant à l’égard de ce parent adoptif et des propres parents de ce dernier? Quel nom va porter l’enfant adopté par un couple de personnes de même sexe? Si la procréation médicalement assistée est autorisée pour les couples de femmes, que faire en cas de séparation et de nouvelle union? Un enfant pourra-t-il avoir trois mamans? Ces difficultés ne sont pas insurmontables, mais il faut prendre le temps de les examiner avant de légiférer.

Le gouvernement souhaite dissocier le mariage et les questions liées à la procréation médicalement assistée et au statut du beau-parent. Qu’en pensez-vous?

La loi ne sera pas finie tant que ces questions ne seront pas réglées. Sinon, nous risquons de nous retrouver dans une situation intermédiaire, inconfortable. Mariage et filiation sont liés. La question des enfants va se poser inéluctablement. La volonté du législateur est bien aussi de régler la question des enfants. Quand on dit «mariage pour tous», on entend aussi «enfant pour tous». La revendication du droit à l’enfant nous inquiète un peu. Il s’agit d’enjeux sociaux et sociétaux majeurs sur lesquels il faudrait faire des études sérieuses, avec un peu de recul. Cela demande au moins plusieurs mois de réflexion.

Certains craignent que l’ouverture du mariage entraîne de nombreux changements allant jusqu’à la légalisation des mères porteuses…

Pour l’instant, on n’a pas mesuré jusqu’où ce texte pourrait nous entraîner. La société est-elle vraiment prête? Une majorité de Français sont pour l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, mais quand on leur décrit les conséquences du projet de loi, nombre d’entre eux sont moins sûrs d’y être favorables.

Source : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/10/26/01016-20121026ARTFIG00451-mariage-gay-les-notaires-craignent-une-loi-trop-hative.php