L’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) a décidé la poursuite de l’essai Ipergay dans sa phase pilote et de créer un groupe de travail sur la prévention incluant la la prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Suite à la décision prise en juillet dernier par l’agence américaine du médicament d’autoriser, aux USA, la prescription du Truvada, médicament antirétroviral, en prise quotidienne (en continu) pour réduire le risque de contamination de personnes séronégatives très exposées au VIH, l’Anrs avait lancé une consultation sur l’essai Ipergay dont elle est le promoteur.
Cet essai, dont la phase pilote a démarré en février 2012, sera déterminant pour la prévention chez les gays « car il cherche à valider une piste que les scientifiques n’ont encore jamais explorée : une offre de prévention renforcée, reposant sur l’association de tous les moyens validés (préservatifs, dépistages fréquents et traitement des infections sexuellement transmissibles) à laquelle s’ajoute l’étude du bénéfice additionnel de la prise du Truvada à la demande, c’est-à-dire en fonction de l’activité sexuelle », rappelle l’Anrs.
Actuellement, 125 personnes ont signé un consentement de participation à cette étude.
La consultation : Quelles questions ? Qui y a répondu ?
Différents comités ont répondu à la consultation de l’Anrs et examiné les conséquences de la décision américaine sur l’essai Anrs Ipergay : Le comité scientifique de l’essai – composé de chercheurs, cliniciens et représentants de l’association Aides -, le comité indépendant – chargé de garantir la sécurité des participants à l’essai et dans lequel siègent des scientifiques et un représentant associatif du TRT-5 -, et le comité associatif – composé à l’origine d’une quinzaine de représentants d’associations gay et de lutte contre le sida.
Leurs avis, qui sont consultables sur www.ipergay.fr, ont porté en particulier sur les questions suivantes : L’étude pilote Anrs Ipergay qui vise à démontrer la faisabilité et l’acceptabilité de la Prep en France doit-elle se poursuivre ? Le maintien du bras « placebo » est-il une perte de chance pour les participants ? Existe-t-il une prise de risques accrue des participants ?
Les avis des comités
Le comité scientifique de l’essai estime que « la décision de la FDA n’est pas basée sur des éléments nouveaux depuis le démarrage d’Ipergay et ne modifie donc en rien la pertinence scientifique du projet ».
Pour lui, « le schéma de l’essai reste à ce jour la meilleure façon d’évaluer de façon rigoureuse le bénéfice additionnel d’une prophylaxie pré-exposition (Prep) intermittente et permet également de limiter les conduites à risque ».
Le comité indépendant « pense que pour les personnes qui sont dans l’essai et quel que soit le bras de tirage au sort, le fait d’être dans l’essai n’est délétère ni du point de vue de l’accompagnement préventif ni du point de vue de la promotion de la santé ». Il considère que l’essai peut être poursuivi en l’état. Le comité souhaite connaitre les plans d’extension de l’essai en France, au Canada et en Europe.
Le comité associatif, quant à lui, a réaffirmé de façon unanime, dans un communiqué du 1er octobre 2012, l’intérêt d’étudier l’intermittence d’une Prep centrée autour des périodes d’activité sexuelle et a souligné la haute qualité d’accompagnement mise en place dans les centres participant à l’essai. Une majorité des associations a cependant considéré que la poursuite de l’essai n’était acceptable qu’à la seule condition que les participants puissent avoir une possibilité d’accès à une prise quotidienne de Truvada® renforcée d’un accompagnement de haute qualité.
L’Anrs a pris également connaissance des avis propres qui lui ont été communiqués par certaines associations du Comité associatif et de la position de Aides (consultables également sur www.ipergay.fr).
Elle a enfin pris acte de l’approbation de principe récente du projet Anrs Ipergay par le comité d’éthique du CHU de Montréal, ouvrant ainsi une voie importante pour le démarrage de l’essai dans son schéma actuel au Canada.
Amplifier la recherche en prévention chez les gays
Le Directeur de l’Anrs a pris connaissance de ces avis qui confirment l’importance d’amplifier la recherche pour tenter de réduire le nombre des nouvelles infections dans les groupes les plus exposés au VIH, en particulier chez les gays.
Face à une situation qu’il considère comme une « urgence sanitaire » et au vu des avis des comités, il estime « qu’il faut élargir notre palette d’outils de réduction des risques afin de disposer de plusieurs combinaisons de moyens préventifs utilisables par chacun en fonction de son environnement, de son histoire individuelle ».
Pour cela, un groupe de travail va être nommé avant la fin de l’année. Il sera chargé, avec le milieu associatif, d’explorer de nouvelles pistes de recherche afin d’optimiser, en population, les usages des différents moyens préventifs, y compris la prophylaxie pré-exposition (Prep) utilisant les antirétroviraux.
L’avenir de l’essai Anrs Ipergay
L’Anrs tient à rappeler que le Truvada n’est pas autorisé en France ni en Europe pour un usage préventif. Elle rappelle que les recommandations en vigueur aux Etats-Unis pour sa prescription en prévention stipulent un encadrement médical et préventif renforcé. Son utilisation « dans la vraie vie » aux Etats-Unis n’a pas encore été évaluée.
L’Anrs se dit « à l’écoute toutefois de certaines associations qui demandent pour les gays en France un accès au Truvada à titre préventif ».
Il appartiendra aux autorités de santé d’accorder ou non l’autorisation d’étendre l’usage de ce médicament en traitement préventif continu.
L’Anrs se dit prête à s’engager dans les discussions en proposant son expertise scientifique. « Cette éventualité ne remet néanmoins pas en question la nécessité de poursuivre la recherche sur la Prep intermittente dans un cadre renforcé de prévention, la faisabilité et l’efficacité de cette stratégie n’ayant pas été démontrées à ce jour », estime-t-elle.
C’est pourquoi elle considère que « l’essai Anrs Ipergay peut être poursuivi dans sa phase pilote, et étudie les conditions d’extension réalistes de l’essai à l’issue de cette phase ».
Elle réunira prochainement les associations pour leur faire part de sa décision et de la communication qui va être entreprise auprès des volontaires participant à l’essai.