Shayne a choisi de témoigner anonymement, « par respect pour ma mère. Elle m’accepte tel que je suis sauf qu’il y a le regard des gens. Je ne veux pas qu’elle subisse des pressions, surtout de sa soeur, ma marraine. Cette dernière est censée être ouverte d’esprit. Elle a voyagé. J’ignore si elle a déjà vu des gays à l’étranger mais elle déteste ce que je représente. »
Son enfance se déroule sans histoire, mais le jeune homme de 24 ans va grandir surprotégé par sa mère, dont il avoue être néanmoins particulièrement proche. Sa relation avec son père, qu’il qualifie de superficielle, se résume par contre à quelques instants devant la télé. Vers 14-15 ans, l’ado se rend compte que les filles « le laissent de marbre ».
« Je ne regardais que les garçons, notamment lorsque je feuilletais des magazines érotiques ».
Une révélation qui va le troubler au point de l’inciter à se réprimer, en espérant que ça passe, comme il l’explique. Mais avec le temps, son orientation sexuelle se confirme. « De toute façon, il est impossible de nier ce que l’on est… ». Mais s’il arrive à flirter avec des garçons, il ne peut en parler à personne : « Je voulais l’avouer à ma mère mais c’était trop difficile. Et puis, je ne voulais pas que l’on me dise que c’était une erreur de jeunesse alors qu’au fond de moi, je savais que c’était ma nature profonde. »
Bien que certains l’incitent à se confier, il évite craignant le rejet et d’être raillé comme c’est déjà le cas presque quotidiennement, explique t-il : « Quand je marche, il y a toujours quelqu’un qui rit ou qui chuchote en me regardant. Cela me gêne surtout lorsque je suis seul. »
Et puis, il finit par vraiment tomber amoureux d’un autre garçon. Une relation platonique de quelques mois qui s’achèvera dans la douleur. Son petit ami étant incapable d’assumer ouvertement son homosexualité. Leur « rupture » sera difficile.
« Je me disais que je me jetterais d’un pont ou d’une hauteur mais la peur de me rater et de vivre comme un légume me freinait. La musique m’a aidé à tout surmonter. » C’est à un arrêt d’autobus qu’il se lie finalement pour la première fois d’amitié avec un autre jeune gay. Il a 19 ans et participera même ensuite à des marches « qui vont lui permettre de s’ouvrir et de s’affirmer. »
Un jour, alors que sa mère insiste pour qu’il aille à la messe, il refuse et lui annonce son homosexualité. « Elle m’a dit que j’allais lui faire avoir une crise cardiaque et n’en a plus reparlé. L’on peut être gay et croire en Dieu et le prier. Je crois que les gens se servent du nom de Dieu pour juger les autres. » Dans son établissement, certains étudiants refusent de le fréquenter. « L’un m’a dit qu’il ne fréquente pas les gays et m’a demandé comment je peux aimer un homme. Je n’ai pas répondu. »
C’est seulement lors de sorties avec les membres de l’organisation à laquelle il adhère, qu’il se sent capable d’être lui-même, « de rire, de se défouler… » Sinon, il est plutôt isolé et se plie en grande partie aux attentes de sa mère : « Oui, cela me pèse. »
Il espère vivement trouver un emploi pour s’affranchir financièrement et vivre sans se faire violence, en étant pleinement lui-même. « Je réclame le droit d’assumer mon identité sexuelle ouvertement sans être associé au vice, à la perversité, au VIH/sida. Et que les regards qui font mal ainsi que les agressions verbales et physiques cessent… »
Shayne Kevin est adhérant à la Young Queer Alliance.