La justice brésilienne a autorisé mardi de facto le « mariage homosexuel », sans attendre une hypothétique loi du Parlement. Le Conseil national de justice (CNJ) a annoncé dans un communiqué que les « cartorios », l’équivalent des officiers d’Etat civil, ne pourront plus refuser de dresser un acte de mariage entre personnes du même sexe.
Le CNJ, garant de l’autonomie du pouvoir judiciaire, présidé par le président de la Cour suprême Joaquim Barbosa, a pris cette décision à une majorité écrasante de ses membres, avec 14 votes pour et un contre. Cette mesure entérine un arrêt rendu en 2011 par la Cour suprême, qui « affirme que l’expression de la sexualité et des sentiments homosexuels ne peut servir de fondement à un traitement discriminatoire, qui ne trouve aucun support dans le texte de la Constitution fédérale de 1998 », affirme Joaquim Barbosa dans le communiqué du CNJ.
« Cela équivaut à autoriser le mariage gay au Brésil », s’est félicitée Raquel Pereira de Castro Araujo, présidente de la commission des droits des homosexuels de l’Ordre des avocats du Brésil (OAB), interrogée par l’AFP. Cette décision court-circuite le Parlement qui traîne depuis des années à se prononcer sur le sujet en raison des pressions de l’Eglise catholique et des Églises évangéliques, fortes d’un puissant groupe parlementaire, selon Mme Castro Araujo. Le pape François doit se rendre en visite au Brésil dans deux mois.
Dans son arrêt de 2011, « le STF a reconnu que « l’union stable » entre personnes du même sexe devait accorder les mêmes droits que ceux des hétérosexuels. Or, l’un de ces droits est de pouvoir transformer cette union en mariage et cela a entraîné une confusion dans le pays, en l’absence d’une loi au Parlement », explique Mme Castro Araujo.
Les homosexuels vivant sous le régime de « l’union stable » et voulant se marier se sont donc tournés vers la justice, à laquelle sont subordonnés les officiers d’état civil. En théorie, la décision adoptée par le CNJ peut être remise en question par la Cour suprême. Mais cela semble improbable puisqu’elle se met justement au diapason de la jurisprudence de la plus haute juridiction du pays.
« C’est un chemin sans retour », a déclaré à l’AFP Luiz Kignet, spécialiste en droit de la famille à Sao Paulo. « Comme le Parlement est très lent et ne se décide pas, le pouvoir judiciaire a pris les devants », a-t-il ajouté.
Jusqu’à présent, seule la justice d’une dizaine d’États de la Fédération, comme Sao Paulo, acceptait systématiquement de transformer les unions stables entre personnes du même sexe en mariage. Quelque 1 300 mariages entre homosexuels y ont été officiellement enregistrés en 2012. Dans les autres États, la décision restait à l’appréciation du juge.
« La décision du CNJ est opportune et c’est le résultat d’une longue lutte des mouvements sociaux organisés », s’est félicitée Marjori Machi, présidente de l’Association des travestis de Rio (Astra). « Cela va réduire les démarches judiciaires et assure plus d’égalité aux citoyens brésiliens. Avant, il y avait les citoyens de première et de seconde catégorie. Maintenant toutes les familles seront respectées », a-t-elle déclaré à l’AFP.
En Amérique latine, le mariage de même sexe est légalisé à Mexico depuis 2009 et en Argentine depuis 2010. Une loi en ce sens a également été approuvée en Uruguay en avril et doit être promulguée dans les semaines à venir par le président