Justice : Comment agir concrètement contre les propos homophobes sur les réseaux sociaux ?

Les injures, diffamations et appels à la haine et à la violence homophobe sont réprimés par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La peine maximale prévue par ce texte est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Comment agir concrètement contre les propos homophobes sur les réseaux sociaux ? Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre par toute internaute (A). D’autres solutions nécessitent l’intervention d’un avocat, notamment pour lever l’anonymat sur les réseaux sociaux (B).

  1. Solutions que tout internaute peut mettre en œuvre
  1. Contacter l’auteur des propos

La solution la plus simple consiste à contacter l’auteur des propos en lui rappelant la loi. Vous pouvez par exemple lui communiquer un lien vers cet article pour lui montrer que l’anonymat peut être levé sur les réseaux sociaux.

  1. Contacter l’hébergeur des propos

Vous avez aussi la possibilité de contacter l’hébergeur des propos homophobes pour lui demander de les supprimer. En pratique, sur les réseaux sociaux, l’hébergeur est l’entreprise qui met à disposition la plateforme, à savoir Facebook, Twitter, Linked-in… Ces hébergeurs ont l’obligation légale de fournir sur leur site un moyen simple de les contacter facilement pour signaler les propose homophobes.

Lorsque ces solutions ne sont pas efficaces pour faire supprimer les propos, vous pouvez demander l’aide d’un avocat qui vous aiguillera pour engager des démarches judiciaires.

  1. Solutions requérant l’intervention d’un avocat

Si vous êtes personnellement visés par des propos homophobes, vous pouvez toujours agir. En revanche, si les propos homophobes visent les homosexuels en général, seules les associations de lutte contre l’homophobie constituée depuis plus de 5 ans peuvent engager une procédure.

  1. Action contre l’auteur des propos

Une action contre l’auteur des propos est évidemment possible (b). Sur les réseaux sociaux, les auteurs de propos homophobes sont le plus souvent anonymes. Il est donc nécessaire de mener une procédure préalable visant à lever l’anonymat de l’auteur des propos (a).

  1. Levée de l’anonymat

Deux solutions sont possibles afin de lever l’anonymat de l’auteur des propos :

  • Dans un cadre civil, il est nécessaire de saisir le Président du Tribunal de grande instance sur requête, afin qu’il ordonne à l’hébergeur de communiquer les informations qu’il détient sur l’auteur des propos, et notamment l’adresse IP, le mail ou même l’identité complète lorsqu’il dispose de ces informations. Dans un second temps, si nécessaire, il convient de saisir à nouveau le Président du Tribunal de grande instance sur requête, afin qu’il ordonne au fournisseur d’accès de fournir l’identification de l’abonné à internet correspondant à l’adresse IP fournie par l’hébergeur.
  • Dans un cadre pénal, il est possible de se constituer partie civile contre l’auteur des propos. Dans ce cas, c’est le juge d’instruction qui réalisera lui-même les démarches pour identifier l’auteur des propos. Il dispose en effet de pouvoirs étendus pour ordonner aux hébergeurs et fournisseurs d’accès la communication des données permettant de lever l’anonymat.

Chacune des solutions présente ses propres avantages. Mais la voie pénale sera recommandée si votre budget pour les frais d’avocat est limité.

  1. Action au fond contre l’auteur identifié

Une fois l’auteur identifié, il convient d’agir devant les tribunaux compétents :

  • Au civil, c’est le tribunal de grande instance qui est compétent. Le tribunal aura alors seulement le pouvoir d’ordonner la suspension des propos homophobes, ainsi que l’allocation d’une indemnité pour réparer le préjudice et une compensation en remboursement des frais d’avocat.
  • Au pénal, c’est le tribunal correctionnel qui est compétent. En plus des pouvoirs que détient le juge civil, il pourra prononcer une peine contre l’auteur des propos, c’est-à-dire le condamner à une peine de prison (ce qui est extrêmement rare) et/ou à une amende (ce qui est plus souvent le cas).
  1. Action contre l’hébergeur des propos

Il est possible d’agir contre l’hébergeur des propos. Une telle action nécessite d’adresser préalablement à l’hébergeur une mise en demeure spécifique, dite « Notification LCEN », du nom de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique. Si l’hébergeur ne supprime pas les propos suite à cette notification, il est possible d’agir à son encontre comme s’il était l’auteur des propos.

Par Etienne Deshoulières
Avocat au barreau de Paris
pour stophomophobie.org

www.deshoulieres-avocats.com