Témoignage : « Grandir homosexuel dans une société largement homophobe ajoutait une pression extrême au processus »

« Adolescent, j’ai souvent pensé au suicide. Grandir homosexuel dans une société largement homophobe ajoutait une pression extrême au processus… J’ai 64 ans et depuis 35 ans, je peux dire que je suis content d’être vivant et que ma vie vaut la peine d’être vécue. »

Il y a trois ans, l’acteur, auteur et réalisateur Jean-Pierre Bergeron, célèbre au Québec pour ses rôles de policiers, bandits et autres figures d’autorité, effectuait son coming out dans les médias : « J’ai y passé beaucoup d’années. Ça n’avait plus de bons sens. J’avais 60 ans, j’étais une personne publique et en même temps, je n’étais pas capable de dire qui j’étais. J’ai pris sur moi. Je ne savais pas si on allait me permettre de continuer de jouer le même genre de rôle. J’étais prêt à ne plus jouer de toute façon, si c’est ça que ça prenait pour être moi-même. Ce fut une décision financière également. J’ai eu la chance d’avoir de bons revenus en annonçant des produits généralement associés aux hommes comme de l’huile à moteur et des autos. Je n’avais aucune garantie que je pourrais retrouver ces contrats. Mais je l’ai fait pour mon plus grand bien et j’espère que de plus en plus de personnes publiques vont le faire aussi. ».

Une sortie de placard qui lui a permis de choisir de nouveaux rôles. Jean-Pierre Bergeron incarne d’ailleurs depuis quelque temps avec fierté le rôle d’Alexa, une femme transgenre, personnage récurrent de la 2e saison de Complexe G, une série télévisée québécoise.

« C’est un signe que je suis à l’aise d’être qui je suis. Je suis très à l’aise dans le fait d’être un homme, et très à l’aise dans le fait d’être homosexuel, et très à l’aise de jouer une femme… », explique t-il, et d’ajouter « l’identité de genre, c’est un sujet très important dont on n’a pas fini d’entendre parler ! »

Dans une interview sur le site courrierdusaguenay, l’acteur lance un appel pour exhorter les jeunes LGBT, isolés, éprouvés par trop de violence, et toutes les personnes tentées de mettre fin à leurs jours, à ne pas passer à l’acte.

Car si la tendance suicidaire augmente avec l’âge, peut-on lire dans la synthèse du deuxième rapport de l’Observatoire national du suicide, remis mardi à la ministre Marisol Touraine, pour autant, le phénomène n’est pas à ignorer dans les populations plus jeunes. Rapportés au nombre de décès total, les suicides sont responsables d’un décès sur cinq entre 25 et 34 ans. L’Insee l’établissait ainsi en 2013 comme la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans après les accidents de la route. Et, d’après un rapport rendu au Sénat en 2013 par l’association Le Refuge, 30% d’homosexuels de moins de 25 ans tenteraient en effet de se suicider chaque année en France.

« Ces jeunes et les plus âgés aussi sont découragés parce qu’ils reçoivent trop d’agressions, ont trop honte ou ne sont plus capables. Il faut rester en vie, car, à un moment donné, avec la persévérance, il va arriver des rencontres, des opportunités, je ne sais pas lesquelles, car chacun a une histoire de vie différente, mais celles qui persévèrent, finalement arrivent à avoir une vie qui vaut la peine d’être vécue », explique Jean-Pierre Bergeron. Et, c’est un tout un ensemble de choses dont la spiritualité qui a fait que pour sa part, il n’a pas passé à l’acte. « Des gens m’ont aussi aidé, différentes personnes dans mon milieu de travail. Mon passage de 18 à 39 ans fut très difficile. Par la suite, les choses se sont replacées. Même si ma vie est imparfaite, je suis content de la vivre. »

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En 2012, le suicide a causé la mort de 9 715 personnes en France métropolitaine, « soit près de 27 décès par jour, loin devant la mortalité routière qui s’est élevée, cette même année, à 3 426 victimes ». Les statistiques peuvent sembler macabres, mais les spécialistes le disent : en parler est essentiel pour lutter contre. Et le tableau n’est pas complètement sombre : si la moyenne quotidienne reste frappante, le nombre de suicides baisse régulièrement depuis une vingtaine d’années. Il est passé pour la première fois en 2012 – année sur laquelle porte le rapport – sous la barre des 10.000 décès.

Ce nombre serait toutefois sous-évalué de presque 10%, de nombreux suicides n’étant pas classés comme tels au moment du décès en raison d’une classification médicale complexe. En prenant en compte cette sous-estimation, le nombre de décès par suicide est évalué à 10.690 en France métropolitaine. Vous pouvez retrouver le rapport complet de l’Observatoire national du suicide sur le site du ministère de la Santé.

Jean-Pierre Bergeron est actuellement en campagne de financement pour son long métrage, Hitchhiking In The Dark, « une histoire qui se déroule dans les années 60 et met en scène un petit garçon d’une quinzaine d’années qui ramasse déjà son argent pour se faire changer de sexe quand il sera grand. » Le tournage est prévu pour le mois de juin prochain.

stophomophobie.org
avec sources AFP