On estime que près de 37 millions de personnes dans le monde sont actuellement infectées par le virus, plaçant le Sida en tête des maladies infectieuses les plus meurtrières selon l’Organisation mondiale de la santé. Des traitements antirétroviraux existent pour combattre cette maladie mais, faute de moyens, seulement 16 millions de personnes y auront eu accès en 2015. De plus, le virus n’est pas complètement éliminé par ces traitements. Il peut en effet se multiplier à « bas bruit » et constituer un « réservoir viral », qui peut être la source d’une nouvelle multiplication virale dans l’organisme, en cas d’interruption du traitement antirétroviral, même après de nombreuses années de thérapie. « Il est donc important de mieux comprendre les mécanismes qui régulent la formation de ce réservoir et de déterminer des stratégies pour l’éliminer », expliquent les chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et du Vaccine Research Institute (ANRS/Inserm), qui viennent de montrer que certains anticorps très performants peuvent reconnaître les cellules infectées par le virus du sida (VIH) et entraîner leur destruction par le système immunitaire.
Ces anticorps particuliers, dits « neutralisants à large spectre » (bNAbs) sont en effet capables de bloquer la réplication de très nombreuses souches du virus VIH-1, le type de virus du Sida le plus présent, en France et dans le monde. Le mécanisme d’action de ces anticorps particuliers, en cours d’essai clinique dans plusieurs pays, vient d’être mis en évidence par des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et du Vaccine Research Institute (ANRS/Inserm), et a fait l’objet d’une publication dans Nature communications.
La stratégie suivie par les anticorps neutralisants à large spectre se révèle être particulièrement efficace : ils neutralisent la propagation du VIH-1, et notamment son passage de cellule à cellule. Certains, plus « vaillants », sont aussi capables de reconnaître directement les cellules infectées et d’entraîner leur destruction par les cellules du système immunitaire chargées d’éliminer les cellules anormales de l’organisme : les Natural Killer (NK). Pour ce faire, ces anticorps reconnaissent différentes parties de l’enveloppe virale présentes à la surface des cellules humaines infectées, ainsi que celles provenant du réservoir viral de patients (des cellules infectées dans lequel le virus et latent et qui peuvent à tout moment le relâcher dans l’organisme), à des niveaux suffisants pour entraîner leur élimination.
De nouvelles stratégies thérapeutiques ou préventives prometteuses
« C’est une étape importante dans la compréhension du mécanisme d’action des anticorps neutralisants à large spectre que nous venons de franchir. Nos observations confortent l’idée qu’ils pourraient réduire le réservoir viral chez les patients infectés par le VIH », explique dans un communiqué Olivier Schwartz, qui a coordonné ces travaux.
La caractérisation de ces anticorps bNAbs est importante pour différentes raisons. La façon dont ils reconnaissent l’enveloppe virale donne en effet des informations précieuses pour la conception de candidats vaccins. De plus, il a déjà été démontré que les bNAbs peuvent être utilisés chez l’homme. Les plus efficaces sont actuellement en cours d’essai clinique aux Etats-Unis pour leur faculté à abaisser significativement la charge virale pendant 28 jours. Ces immunothérapies représentent donc de nouvelles stratégies thérapeutiques ou préventives prometteuses.
Ces travaux ont été financés par l’ANRS, le LabEx Vaccine Research Institute (ANR-10-LABX-77), Sidaction, la Fondation Areva, le LabEx IBEID, le LabEx Milieu Intérieur, le 7e programme cadre européen, et l’European Research Council (ERC).