PMA : une urgence sanitaire et sociale, ainsi qu’un droit des femmes à disposer librement de leur corps

Dans un « manifeste » publié par Le Monde ce 17 mars, 130 médecins dénoncent les « incohérences de la politique d’aide à la procréation en France ». Emmenés par René Frydman, gynécologue à l’origine du premier bébé-éprouvette en France, ils souhaitent voir la procréation médicalement assistée, jusqu’ici réservée aux couples hétérosexuels infertiles, élargie à toutes les femmes.

« Le don de sperme pour une femme célibataire, sans préjuger de son mode relationnel actuel ou futur, homo ou hétérosexuel est une interdiction qui nous paraît devoir être levée puisqu’une femme célibataire est reconnue dans ses droits pour élever ou adopter un enfant » affirment-ils.

Cet appel se situe dans la lignée des deux autres avis favorables à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, rendu le 1er juillet 2015 : l’un par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, l’autre par le Défenseur des droits. Emanant de professionnels reconnus et investis dans l’assistance médicale à la procréation, il démontre que cette revendication, également soutenue par une pétition d’élus lancée par l’Inter-LGBT, rencontre un fort soutien de celles et ceux qui sont au plus près des réalités actuelles de ces questions.

A un an de la fin de son mandat, l’inter-associative rappelle ainsi dans une tribune sur Marianne, Monsieur Hollande à ses promesses « pour faire cesser l’hypocrisie juridique actuelle ».

« La récente révision de l’intitulé d’un ministère de LA famille en ministère DES familles est supposée marquer la préoccupation du gouvernement pour toutes les familles, et un soutien aux familles homoparentales. Mais ce changement cosmétique, outre qu’il mêle famille, enfance et femmes d’une façon qui renforce les stéréotypes sexistes, n’est bien évidemment pas suffisant. Aujourd’hui, ce que nous attendons, ce sont des actes concrets pour répondre à des problèmes réels. Alors que tous les pays européens ayant légalisé le mariage aux couples de même sexe permettent aux couples de femmes de pratiquer une PMA, il est inacceptable qu’aujourd’hui en France la PMA ne soit toujours pas ouverte à toutes les femmes » écrit l’Inter-LGBT, qui appelle en corollaire à une réforme de la filiation permettant de sécuriser les liens parentaux dès la naissance, « quand le droit actuel oblige les mères qui n’ont pas porté l’enfant à entamer une procédure d’adoption hasardeuse pour être reconnues comme parents à part entière. La question de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes relève à la fois de la fin d’une discrimination, d’une urgence sanitaire et sociale et d’une question des droits des femmes à disposer de leur corps pour elles-mêmes. »

Mettre fin aux discriminations faites aux femmes qui ne sont pas en couple avec un homme

La PMA est une pratique qui existe et qui est ouverte depuis 1994 (Loi de Bioéthique) en France aux femmes en couple avec un homme. La situation actuelle qui refuse l’accès aux couples lesbiens et aux femmes célibataires est qualifiée d’« incohérence du droit français » par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une inégalité injustifiable.
 En outre, la PMA est aujourd’hui le mode de conception le plus pratiqué par les couples lesbiens. La législation actuelle est ainsi une véritable négation de la réalité.

Permettre aux femmes de disposer librement de leur corps pour elles-mêmes

L’ouverture de la PMA se situe dans la lignée de l’ouverture de l’IVG : toute femme doit pouvoir disposer librement de son corps, que ce soit pour avorter (IVG) ou pour procréer (PMA). Aujourd’hui, les femmes célibataires ou en couple avec une femme font face aux mêmes obstacles que les femmes voulant avorter avant la loi Veil. Celles qui en ont les moyens vont dans les pays où la PMA leur est autorisée et les autres recourent à la pratique clandestine (PMA dites « artisanales »).

Mettre fin à un grave problème sanitaire

La PMA est une pratique très encadrée sur le plan médical, notamment par rapport aux enjeux de santé de la femme et de l’enfant. Le droit français, en refusant le droit aux couples lesbiens et aux femmes célibataires d’avoir accès à la PMA, condamne celles engagées dans ce parcours à le poursuivre dans la clandestinité, en dehors des parcours médicalement encadrés, sanitairement et juridiquement protecteurs pour les enfants et les mères.

La condamnation à la clandestinité de ces projets parentaux expose les femmes célibataires et couples lesbiens à de multiples risques de santé. Celles qui n’en ont pas les moyens pratiqueront des inséminations dites « artisanales » − indépendantes de tout encadrement médical, avec un donneur connu ou non – pouvant entrainer de graves risques sanitaires, comme des contaminations par le VIH ou autre IST, ainsi qu’un risque de violences à leur égard (dans le cas de relations sexuelles avec un inconnu : agressions sexuelles, viols,…).

Supprimer une inégalité sociale

Contraindre ces femmes à recourir à la PMA à l’étranger entraine des frais exorbitants liées aux déplacements, pouvant atteindre 30 000€ (en particulier en Espagne et en Belgique) ce qui porte un préjudice à la stabilité sociale des familles homoparentales et particulièrement à l’intérêt de l’enfant. Ainsi, les enfants conçus par PMA à l’étranger se retrouvent, du simple fait de leur naissance, dans une situation économique plus difficile.
Mettre fin à la précarisation des familles

L’impossibilité d’établir la filiation dès la naissance plonge ces familles dans une précarité inacceptable : la mère qui ne l’a pas porté est obligée d’adopter son propre enfant. De plus, la procédure juridique est longue, humiliante et incertaine. En fondant la filiation des enfants né-e-s par PMA sur l’engagement parental, on leur donne le cadre de protection solide dont elles et ils ont besoin. C’est le seul moyen de faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant, qui ne doit pas se trouver en situation d’inégalité du simple fait de sa naissance.

L’ouverture de la PMA à toutes les femmes est une urgence sanitaire et sociale, ainsi qu’un droit des femmes à disposer de leur corps pour elles-mêmes, le gouvernement doit mettre fin à une discrimination inacceptable et légiférer sans plus attendre.

Merci au 3G, Bar associatif, lesbien et féministe de Marseille, qui fête ses 20 ans en ce mois de mars 2016, pour l’image d’illustration de l’article.