Coming out : « le bonheur c’est de pouvoir se regarder dans la glace et d’être fier d’avoir choisi la vérité » (VIDEOS)

Pas facile de dévoiler son homosexualité à ses proches. En dépit parfois de mots qui blessent, aucun ne regrette d’avoir sauté le pas…

« LE BONHEUR C’EST DE POUVOIR SE REGARDER DANS LA GLACE ET D’ETRE FIER D’AVOIR CHOISI LA VERITE »

Cette révélation bouleverse aussi les proches et la famille. Ils se sentaient des pères et des mères « comme les autres »… Ils s’imaginaient grands-parents dans un schéma de famille « classique »… Ils connaissaient l’homosexualité pour l’avoir vu « chez les autres ». Ils avaient comme tout le monde un avis sur le sujet, teinté de plus ou moins de tolérance en fonction de leur culture, leur vécu, leur morale, leur éducation… Jusqu’au jour où leur enfant a annoncé qu’il était homo.

S’assumer en tant que personne LGBT en 2016 ne va pas forcément de soi. Un signe qui ne trompe pas : la plupart des personnes interviewées ont préféré garder l’anonymat. Non par refus de s’assumer, mais de crainte de heurter leur famille, ou de blesser des proches.

Hanté « par la peur de décevoir », « par le jugement et le regard des autres »… François a attendu ses 26 ans. Après « un long cheminement personnel » Aurélie en a parlé à 30 ans. Pendant de nombreuses années, ils ont vécu dans l’anxiété du jour où leurs parents l’apprendraient, ne sachant pas quelle serait leur réaction. Pour chacun d’entre eux, le « coming-out » fut un instant déterminant.

François : « Faire tomber une part d’ombre »

Trop de solitude. Trop de souffrance. Trop de questionnement. Trop de mensonge « par omission », précise François, 26 ans… Mais avant d’être accepté pour qui l’on est, il faut s’accepter tel que l’on est.

Au terme d’un long cheminement sur soi, d’une longue réflexion, ce jeune Rémois révèle son homosexualité à l’âge de 17 ans « à un groupe d’amies ». Rien de vraiment prémédité se souvient-il : « Une des filles m’a demandé si j’étais gay. J’ai d’abord éludé la question, je ne voulais pas mentir et face à son insistance j’ai tout lâché », se souvient le jeune homme, qui craignait leurs réactions. « J’ai été accepté tout de suite, c’était un premier grand soulagement ». Mieux, François avait enfin une personne à qui se confier.

Il venait de franchir une première étape… Mais sa famille n’était toujours pas au courant.

Le déclic est intervenu… deux ans plus tard. « J’étais prêt et j’ai senti que ma mère l’était aussi… mais il faut une certaine forme de courage pour aborder le sujet en famille. J’étais toujours à la maison et cette révélation pouvait avoir des répercussions dans mon quotidien. Que ma mère soit tolérante c’est une chose, mais je craignais la réaction de mon père et de mon frère ».

Aurélie: « le dire pour pouvoir vivre »

Se taire pendant de longues années a aussi un coût, celui de compartimenter sa vie, de vivre « dans le mensonge ». Une expérience qu’Aurélie (prénom d’emprunt) nous raconte. C’est à 16 ans qu’elle se pose les premières questions « sur son attirance pour les filles ». A 20 ans, elle n’a plus de doute. Sans se dévoiler, elle tente de vivre son homosexualité par procuration à travers la série télé « The L World ». « En voyant les couples de filles, je me retrouvais enfin, je ressentais les mêmes choses », confie la jeune femme.

« C’est un poids énorme qui s’enlève »

Pour autant, elle ne sent pas encore prête à en parler : « j’avais peur de décevoir des proches, je me refusais donc de vivre des histoires d’amour ». Elle décide alors de s’exiler loin de sa famille. Elle quitte les Ardennes, son boulot : « il était urgent que je me ressource ». À 700 km du foyer familial, elle s’autorise « une ou deux rencontres ». Mais l’éloignement ne règle rien, pire il fait naître une culpabilité : « j’avais l’impression de mentir à mes parents ». Un mensonge de plus en plus lourd à porter. Au bout de deux ans et demi, elle quitte à nouveau « tout » pour rejoindre les Ardennes. Un retour aux sources « pour tout déballer et pouvoir vivre enfin libérée ». Plus facile à dire qu’à faire. Elle attendra encore un an avant de se confier à son petit frère, « le plus complice ». « Je voulais le voir pour lui annoncer, mais il a tout de suite voulu savoir au téléphone, il avait imaginé le pire, la maladie… Lorsque je lui ai dit que j’aimais les femmes… il m’a juste dit… « Quoi c’est juste ça… c’est rien du tout » » , se remémore-t-elle avec un large sourire. Des mots qui résonnent encore dans sa tête. « C’est un poids énorme qui s’enlève, ça donne de la force pour affronter la suite… » Deux à trois mois après, c’est au tour du grand-frère qui lui aussi accueille la nouvelle à la limite du non-évènement : « Y a pas de souci, tu aurais dû me le dire avant », balance-t-il avant de retourner à ses occupations. Quelques minutes plus tard, elle poursuit son coming-out avec ses parents…

«Le bonheur d’un fils est bien plus important que son orientation sexuelle…»

Si les bonnes raisons de parler à ses parents et à ses proches sont nombreuses, le passage à l’acte reste difficile. Pas de mode d’emploi.

Véronique (prénom d’emprunt) a appris l’homosexualité de son fils « à la veille de Pâques ». C’est à l’âge de 25 ans que Mathieu (prénom d’emprunt) a fait éclater la vérité.

Elle se souvient encore parfaitement du moment et des mots choisis. « J’ai besoin de te parler… Arrête tout et arrive », lui intime-t-il ce jour-là au téléphone. Sur le trajet, elle imagine tout, même le pire. En arrivant son autre fils est là aussi. Tout le monde est assis dans le salon et se regarde. « Je suis amoureux », lâche Mathieu. Sans attendre, sa maman réagit: « Pourquoi tu as l’air si triste ? C’est génial ! »

« Je suis amoureux d’un homme », enchaîne-t-il… Des larmes d’émotion envahissent les yeux de cette maman: « ça, c’est pas grave », corrige-t-elle naturellement. Mais en son for intérieur, elle s’interroge : « Comment se fait-il que je n’ai rien vu, j’aurais pu l’aider », se reproche-t-elle. Il m’a alors pris les mains et a ajouté : « Ce qui m’ennuie le plus, c’est de ne pas te donner de petits-enfants… » Le deuil de la grand-parentalité n’avait que peu de poids au regard du « sentiment d’être passée à côté de (son) fils ». Un regret moins présent aujourd’hui, mais toujours tenace.

Du côté de Mathieu, le sentiment d’une immense libération : « Il me fallait du temps pour me comprendre » et après sept ans de non-dit, il en a eu assez de mentir. Aujourd’hui, il se sent soulagé, épanoui.

Véronique a tout de suite eu envie de voir son ami, de rencontrer l’homme qui partageait la vie de son fils. « Pourquoi attendre plus ? J’étais impatiente, je me posais des questions sur eux, leur vie au quotidien, je voulais savoir s’ils se tenaient la main, s’ils s’embrassaient… » Des questions qui s’entrechoquent dans sa tête, mais ce qu’elle retient, c’est d’avoir vu « son fils heureux. Et ce bonheur est bien plus important que son orientation sexuelle…». « J’ai continué à pleurer pendant des heures », reconnaît-elle pudiquement. Des larmes où se mêlent beaucoup d’émotions.

Des questions se bousculent : « ça m’a effleuré l’idée de penser à ce que j’avais fait ou pas », indique avec sincérité cette maman. Des doutes finalement vite balayés. « J’ai eu deux enfants que j’ai élevés de la même façon. L’un est homo, l’autre est hétéro… alors il n’y a pas d’explications à chercher. »

Le surlendemain, Véronique ne peut – ni ne veut – garder pour elle cette révélation et l’annonce à certains membres de la famille réunis pour Pâques : « Mon fils n’est pas un extra-terrestre. Pourquoi ne leur aurais-je pas dit ? » D’un tempérament entier, cette Rémoise ne s’est jamais posé la question du « qu’en dira-t-on… ». Ses craintes: « les relents d’homophobie, encore très présents en 2016 dans notre société… ».

Elle choisit de rejoindre l’association Contact : « J’ai voulu donner du temps à la cause homosexuelle et partager mon expérience auprès de parents et d’enfants qui avaient des difficultés à vivre sereinement et assumer leur différence. »

Si certains parents se montrent compréhensifs, d’autres ont des réactions blessantes. La révélation de l’homosexualité d’un fils ou d’une fille est accueillie avec inquiétude, souvent, avec douleur et violence, parfois. Certains parents ont du mal à gérer cette révélation. Si certains en parlent librement, d’autres s’enferment dans le silence, s’isolent.

Une association « pour libérer la parole et ne plus se sentir seul »

Les bénévoles de l’association Contact sont là « pour partager leur expérience, pour échanger », indique Jacky Renois, président de l’antenne marnaise de Contact : « il est important de réaliser que l’on n’est pas seul à vivre cette situation et que beaucoup de difficultés peuvent être surmontées par la parole. (…) Et nous ne sommes pas là pour apporter des réponses toute faites, ni des solutions miracles, mais pour prêter une oreille attentive. Sans juger. »

Un soir de mars à Epernay. Une dizaine de personnes sont assises en cercle dans une salle du Palais des Fêtes. Les bénévoles de l’association Contact-Marne assurent l’accueil.

Certains se connaissent déjà. D’autres non.

Après un rapide tour de présentation, la conversation s’engage. Rapidement, une maman qui vient pour la première fois se dévoile… « Il y a trois mois, j’ai appris que mon fils d’une vingtaine d’années était homosexuel », lâche-t-elle sans détour… Elle semble attendre une réaction qui ne viendra pas… Et poursuit: « L’annonce m’a fait l’effet d’un choc. Je croyais que ça allait… mais en fait ça ne va pas… », confie cette mère divorcée, la voix tremblante. « J’ai des douleurs partout et des questions qui demeurent sans réponse. »

« Nous sommes tous passés par là », poursuit une bénévole, mère d’un enfant homosexuel. « C’est naturel de chercher à comprendre, mais il n’y a rien à comprendre. » Les questions sur l’influence du « père démissionnaire » ou « trop exigeant », de la « mère castratrice » ou « trop effacée » sont abordées pour tenter de cerner les causes de cette homosexualité. « Le sentiment de culpabilité est très fréquent et pourtant infondé, partage Jacky Renois, il n’y a rien à comprendre, juste à aimer son enfant et l’accepter ».

Les personnes prennent la parole. Les expériences sont partagées. D’autres écoutent sans rien dire. Un couple d’hommes d’une trentaine d’années – mariés depuis peu – témoignent de leur vécu. Là encore les mots rassurent, cassent les clichés.

Ces rencontres, ces échanges semblent avoir apaisé cette maman, si tourmentée au début de la réunion. Si elle n’est sûrement pas repartie avec toutes les réponses à ses questions, le visage crispé du départ a laissé place à un sourire plus détendu.

> Contact – Marne Jacky Renois (président)
Tél: 06.83.25.01.86.
51@asso-contact.org

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