Si elle n’est pas une militante acharnée de la cause LGBT, Geraldine Roman sait aussi que son entrée au Congrès des Philippines ferait beaucoup pour la lutte contre les discriminations. Candidate du Parti libéral du président sortant Benigno Aquino, cette femme de 49 ans a de très bonnes chances d’être élue à la chambre des Représentants, notamment du fait de l’enracinement politique de sa famille dans le district de Bataan, à l’ouest de Manille, où elle se présente.
Cela représenterait une révolution dans un pays à 80 % catholique, où l’influence de l’Eglise demeure prépondérante, où divorces, avortements et mariages entre personnes du même sexe sont illégaux, où aucun homosexuel déclaré n’occupe de poste politique de premier plan et où un petit parti LGBT peine à survivre.
En 2001, une loi a été votée pour interdire aux transsexuels philippins de changer de nom et de sexe. En 2010, au nom de la morale, la commission électorale a interdit au parti Ang Ladlad, représentant la communauté LGBT, de présenter des candidats. La Cour suprême a cassé cette décision, mais aucun candidat d’Ang Ladlad n’a été élu lors des scrutins de 2010 et 2013.
Ces dernières semaines, pendant sa campagne, Geraldine Roman a d’ailleurs essuyé quolibets et insultes. Mais il en faut plus pour l’intimider. « Je n’ai jamais vécu dans le secret », déclare-t-elle après une journée de campagne où on l’a vue envoyer des baisers et chanter une chanson d’amour à des foules curieuses. « J’ai grandi ici. Les gens me connaissent », explique la candidate, dont la mère a occupé trois mandats à la Chambre des représentants. L’identité sexuelle, assure-t-elle, « ne devient un problème que si on ne l’assume pas ».
Bien sûr, il y a aussi eu dans sa jeunesse les moqueries de ses camarades qui la trouvaient différente. Mais son père, un puissant homme politique aujourd’hui mort, lui a appris à avoir confiance en elle. « Je n’ai fait de mal à personne. Je suis heureuse, pourquoi en serais-je honteuse ? » interroge Geraldine Roman, en couple avec le même homme depuis dix-huit ans.
Titulaire de deux masters, elle maîtrise aussi trois langues européennes (espagnol, français et italien). Elle a un temps travaillé en Espagne comme journaliste pour l’agence EFE, avant de rentrer au pays il y a quatre ans pour s’occuper de son père malade.
A Orani, la petite ville où elle vit, beaucoup voteront pour elle, comme ils ont par le passé voté pour sa famille. « Elle est aussi un être humain, dit Bern Salenga, un agriculteur de 49 ans. Nous avons tous des droits. Le fait qu’elle soit transsexuelle n’a aucune importance pour moi. » Dans un archipel friand de ses dynasties familiales à tous les niveaux politiques, les militants de la cause pensent que Geraldine Roman devra son élection, si elle est élue, à sa famille.
« Même si elle est seule, elle va faire du bruit, se félicite toutefois Anastacio Marasigan, porte-parole du réseau de défense des droits des homosexuels Lagablab. Cela nous aidera à médiatiser des sujets souvent ignorés comme le sida ou les violences sexuelles. »
Catholique, Geraldine Roman a pour sa part un message très simple: « Si Jésus-Christ était en vie aujourd’hui, il n’approuverait certainement pas les discriminations. »
En cas de victoire ce lundi 9 mai, « ma loyauté sera toujours en premier pour le district de Bataan, » promet-elle. « Mais qu’une personne comme moi entre au Congrès signifierait que même les transgenres peuvent servir leur pays et ne méritent pas les discriminations ».