La haine, je connais. Je connais même très bien. Avant de devenir un peu plus zen, je la distribuais à toutes les sauces. Quand je cherchais du boulot, j’haïssais les employeurs qui m’envoyaient des courriels me disant qu’ils avaient trouvé mieux. J’haïssais mes voisins qui vivaient nuit et adoraient le heavy metal. J’haïssais l’ex-fiancée qui s’était tirée avec mon argent et celle qui, après m’avoir mis dehors, s’est mise à fréquenter un gland qui habitait précisément le bloc où je m’étais retranché pour lécher mes plaies. J’haïssais mon boss, chez qui le cerveau était en option, et qui avait pris l’air climatisé à la place. J’haïssais les touristes qui roulent à 95km/h dans la voie de gauche sans jamais essayer celle de droite. J’haïssais les files d’attente, Coldplay, et les imbéciles. Bref, j’haïssais, et j’ai eu la haine longtemps. Disons que le Dalaï-Lama et moi avions bien peu en commun, à part la coupe de cheveux…
Haïr un homosexuel parce qu’il est homosexuel, toutefois, je ne saisis pas, mais alors pas du tout.
Je ne vous dirai même pas qu’on est en 2016, parce que je ne saisissais pas plus il y a vingt ans. Je n’ai pas été sensibilisé à la « cause » parce qu’il y en avait un dans la famille. Si la mienne en compte un (et les statistiques suggèrent que le contraire serait étonnant…) son placard est toujours bien fermé. Je ne me suis pas familiarisé avec l’homosexualité parce que j’étudiais en théâtre professionnel non plus, parce que sincèrement, je n’étais pas assez éveillé pour savoir qui était gay et qui ne l’était pas. J’étais beaucoup trop occupé à tenter de deviner à quelles filles j’avais une chance de plaire, et à les chercher.
L’homosexualité me paraissait simplement naturelle parce que j’étais humain, et que les humains ont tous des goûts différents. S’il me semblait normal qu’un pote puisse aimer les rousses, les rondes, les petites, voire les moches, je ne voyais (et ne vois toujours pas) pourquoi il ne pourrait pas aimer un autre gars. Je comprenais d’instinct, comme la plupart des gens ayant un Q.I. plus élevé que la taille de leur chapeau, que ça ne changeait strictement rien, et j’aime que me amis soient heureux, quels que soient leurs choix… je regrettais presque de ne pas jouir des mêmes inclinaisons, parce ça m’aurait semblé foutrement plus simple, parfois…
La haine de l’homosexuel m’a toujours semblé louche, pour dire le moins.
Comme j’accepte les gens comme ils sont, parce que je sais précisément qui je suis, j’ai toujours eu tendance à croire qu’une pareille hargne ne pouvait prendre sa source que dans un désir caché et une identité trouble. J’ai été le dernier surpris d’apprendre que le cinglé d’Orlando menait une double vie.
Il y a les hétéros, également, qui pensent directement au sexe sans passer par l’amour, et à qui l’image ne plaît pas. Ça m’a toujours fait rigoler, parce que je connais une ou deux vedettes de la télé, sans parler d’un politicien, qui sont parfaitement hétéros et qui ont néanmoins des pratiques sexuelles vachement plus étranges que de baiser un membre de leur propre équipe…
Quand je vois un couple gay, je ne vois qu’une chose : de l’amour. Et de l’amour, on en manque cruellement, dans ce monde que la haine menace de faire craquer de partout. Il y a, à mon avis, beaucoup trop de raisons de céder à la rage pour me mettre à dénigrer des gens qui ne demandent qu’à s’aimer en paix, comme tout le monde.
Un petit mot, en terminant, pour le troll qui sommeille en certains de mes lecteurs, qui prennent parfois plaisir à lui donner du mou dans la section commentaires, un peu plus bas. J’ai une immense tolérance à la stupidité et je me contente, le plus souvent, de vous enfoncer métaphoriquement la tête dans le cul en conservant un vernis de civilité. Si d’aventure, un homophobe s’avisait de me faire profiter de son étroitesse d’esprit, sachez que ma politesse innée risque fort de se tirer en vacances aux Bahamas, le temps que je vous humilie publiquement. On a si rarement l’occasion de démolir un con et d’être totalement dans son bon droit. J’en profiterai. Quand je vois quelqu’un se magasiner un coup de pied au cul, j’aime l’offrir gratuitement. Je suis comme ça; généreux.
C’est Dalai qui serait fier de moi…