Après la tuerie sauvage perpétrée au Pulse le 12 juin dernier et qui a fait 49 victimes, des voix s’élèvent pour pointer du doigt la responsabilité des religions. Ainsi, Anne Soupa, et présidente de la Conférence catholique des baptisés francophones (CCBF), a publié une tribune pour demander à l’Église catholique de retirer de son catéchisme un paragraphe sur l’homosexualité.
Rappelant le travail « fructueux » de l’épiscopat français pour développer un climat de bienveillance à l’égard des homosexuels,
déplore toutefois l’existence d’une « vilaine tache qui ne part pas du tissu ecclésial » lorsqu’il est question d’homosexualité.« Le pape, les évêques américains, le secrétariat de l’épiscopat français, ceux de quantité de pays, ont dénoncé avec beaucoup de vigueur et d’empathie la barbarie d’Orlando. Dont acte, et que personne ne pense que l’Église catholique ne soit horrifiée de ce qui arrive », souligne la présidente de la CCBF. Mais « il est vain de croire les déclarations empathiques, les tentatives de dialogue et autres mains tendues suffiront » :
« Les dégâts de la mobilisation catholique contre le « Mariage pour tous » sont perceptibles dans l’opinion commune. On ne s’est pas privé, récemment, de rappeler à Mgr Barbarin sa prise de position ardente contre la loi. »
En outre « le coeur de la tache n’est pas que dans les mémoires, il salit aussi les Tables de la Loi catholiques », ajoute t-elle. « Certes, lorsque le gouverneur-adjoint du Texas Dan Patrick, de confession évangélique, accuse les homosexuels de se moquer de Dieu, il se réfère à la Bible. Il aurait presque des excuses…. Mais dans l’Église catholique, le propos anti homosexuel est redoublé dans un document qui n’a pas trente ans, le Catéchisme de l’Église catholique de 1992, fleuron du pontificat de Jean-Paul II. »
Concernant l’homosexualité, on y lit l’article suivant :
« S’appuyant sur la Sainte Écriture qui les présente comme des dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés ». Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas. » (§ 2357).
Pour Anne Soupa, ce paragraphe est « intellectuellement contestable, humainement blessant, injuste et culpabilisant ». Elle craint aussi les risques de son exploitation par des fondamentalistes religieux : « Certaines paroles peuvent aussi tuer », écrit-elle.
La rédaction de ce document fut décidée en 1985. Elle a été ensuite supervisée par une commission de douze cardinaux et évêques, présidée par le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI qui le considérait comme « l’un des fruits les plus importants du concile Vatican II ».
Ce catéchisme a une vocation universelle, puisqu’il a pour but d’être le document de référence des autres catéchismes rédigés au niveau local par les épiscopats du monde entier, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il ne peut pas être modifié. Quelques changements ont d’ailleurs été apportés en 1997, à l’occasion de la promulgation de l’édition latine de ce catéchisme, rappelle la-croix. Un nouveau paragraphe sur la peine de mort (2267), que l’Église n’exclut pas pour des cas très graves, avait par exemple fait son apparition. La nouvelle version ajoutait au texte initial que « les cas d’absolue nécessité de supprimer les coupables sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants. »
Ces changements étaient le fait d’une commission interdicastérielle, chargée par Jean-Paul II d’examiner les demandes de changement du catéchisme qui émanaient du monde entier. Il les avaient ensuite validés.
Dans l’exhortation apostolique post-synodale du pape François « sur l’amour dans la famille », l’homosexualité a été peu abordée, et essentiellement sous l’angle des projets de légalisation du mariage égalitaire, de la condamnation de l’homophobie et de l’accompagnement de leurs parents.
Mais, « si l’Église catholique veut acquérir quelque crédit sur ce sujet », insiste encore Anne Soupa, elle doit aller « jusqu’au cœur de ce qui fâche et heurte la conscience contemporaine : cette prétention inouïe de vouloir régenter la sexualité humaine, au nom de principes mûris en chambre, que l’existence des personnes contredit.
Elle doit se résoudre à enlever de son Catéchisme cet article 2357, au motif qu’il est intellectuellement contestable (Quelle norme décide du « désordre » ? Quelle est cette loi naturelle que de plus en plus de penseurs jugent inopérante ?), qu’il est humainement blessant, injuste et culpabilisant, qu’il est politiquement contreproductif parce qu’il nourrit une homophobie combattue par ailleurs, qu’il laisse surtout croire que le christianisme serait une religion du « permis /défendu », alors que suivre le Christ, c’est d’abord aimer son prochain.
Enfin, cet article révèle aujourd’hui un autre aspect de sa nocivité qui pousse davantage encore à s’en délester. C’est la tuerie d’Orlando. Même perpétrée par un musulman, elle interroge toutes les religions.
L’institution catholique voit-elle qu’elle met à la disposition d’esprits dérangés un arsenal d’armes dormantes celées dans les pages de ses catéchismes ? Si les armes à feu tuent et si l’on peut regretter qu’elles soient en vente libre, certaines paroles peuvent aussi tuer. Elles aussi sont en vente libre, mais plus grave, on laisse entendre que ce serait plaire à Dieu que de s’en servir. »
Aussi, la CCBF souhaite que le Magistère ait le courage de renoncer à cet article, et elle en fait ici la demande formelle. Le retirer du délicat commerce entre les personnes serait un geste fort non seulement envers les personnes homosexuelles, mais envers tout homme et toute femme, indépendamment de sa religion ou de son orientation sexuelle. Ce serait un puissant facteur de pacification, un baume dans le climat de violence actuelle.