Le 9 juillet dernier, Ahmed Ben Amor, 20 ans, vice-président de l’association Shams pour la dépénalisation de l’homosexualité en Tunisie, a tenté de mettre fin à ses jours. Pression sociale et menaces récurrentes, il venait encore tout récemment de retrouver une énième inscription avec du sang devant sa maison, ainsi que sa voiture cabossée. Les pneus avaient été crevés et le message précisait : « La prochaine fois, le couteau sera dans ta tête. »
Hospitalisé dans un état comateux, son état s’était toutefois amélioré les jours suivants et l’association avait d’ailleurs posté un message pour remercier toutes les personnes qui lui avaient exprimé leur soutien. Malheureusement, Ahmed a de nouveau tenté le geste du désespoir et été placé ce week-end en soins intensifs, selon ses proches.
« Il a vu son acte de détresse se faire analyser, décortiquer entre explications sociales et discours parfois politisés… Comment allait-il ? Comment se sentait-il ? Et, surtout, est-il dans l’obligation de voir sa vie être étalée ? », regrette dans une lettre ouverte Yamina Thabet, présidente de l’Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM).
« Rendre des comptes pour chaque déclaration, geste ou position. Je comprends ce sentiment d’impuissance où tu assistes en spectateur à cette métamorphose », souligne la jeune femme qui rappelle que derrière tout personnage public ou militant, il y a d’abord un être humain.
« Nous nous battons contre vents et marées pour ces valeurs auxquelles nous croyons… mais nous avons aussi nos moments de doute et de faiblesse, qui ne sont pas forcément liés à cette lutte, nos accidents et nos choix ne sont pas dictés systématiquement par notre engagement et c’est cela que je voudrais que nos amis comprennent : Ahmed Ben Amor est Ahmed, il est beau, jeune, intelligent, il a cette capacité de transmettre une telle énergie et une telle joie autour de lui. Alors, ne diluons Ahmed dans ce combat. La pression sociale est terrible, l’homophobie est une pression énorme, certes mais qu’en est-il du jeune homme ? »
Pour mémoire, créée en 2015, Shams est l’une des rares association à défendre ouvertement les droits des homosexuels en Tunisie, en réclamant notamment l’abrogation de l’article 230 du code pénal, qui criminalise les rapports sexuels entre adultes consentants de même sexe. De quoi irriter les conservateurs et chefs religieux qui accusent systématiquement ses militants de pervertir la jeunesse.
En outre, depuis la chute du régime laïque de Ben Ali, en janvier 2011, plus de cinquante cas de condamnations pour homosexualité aurait été recensés chaque année, rapporte dreuz.info et une cinquantaine d’homosexuels se sont suicidés en raison toujours de la montée du courant religieux.