Souvent désignée comme la « génération 11-Septembre », née après l’intervention américaine qui a chassé le régime taliban en 2001, la jeunesse afghane est particulièrement écartelée entre tradition et modernité, ses désirs impétueux et volonté de respecter un islam puritain.
Plus de 60% de la population a moins de 25 ans, dans un pays qui ignore l’éducation sexuelle et considère les sexologues comme une fiction occidentale.
Le mariage est la plupart du temps la seule possibilité d’assouvir son appétit sexuel puisque les rencontres sont strictement condamnées.
Or beaucoup de jeunes gens ne peuvent s’offrir le coût d’un mariage ni celui de la dot à payer à la belle-famille.
La frustration à un âge en proie aux poussées d’hormones n’est pas indifférente aux explosions de violence qui secouent régulièrement le pays, estiment certains experts.
« Les problèmes sexuels génèrent souvent les violences domestiques, la polygamie et les séparations », assure Abdullah Shahed, en charge d’un centre créé en 2012 avec l’aide du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), où une dizaine de personnes formées par un sexologue répondent chaque jour à des centaines d’appels de jeunes Afghans en détresse.
Les écoutants offrent aussi leurs conseils aux amoureux éconduits ou sur des sujets délicats comme la dépression et les mariages forcés.
Mais, si 70% des appels concernent des troubles de la sexualité, indique le directeur, bien souvent c’est un autre tabou majeur de la société afghane qui revient dans les conversations : l’homosexualité, diabolisée comme une déviance.
La question est régulière : « Existe-t-il un traitement contre l’homosexualité? »
« Une femme a appelé une fois pour dépression parce que sa partenaire venait de se marier », se souvient Abdullah Shahed qui doit se limiter à aider les appelants à réfléchir et à se poser des questions comme « Penses-tu pouvoir continuer de vivre en Afghanistan en tant que lesbienne? »
Son programme doit lui-même braver les conservatismes.
Quand des responsables de la santé ont récemment lancé une campagne de sensibilisation à l’Université de Kaboul, des étudiants en colère les ont accusés de promouvoir l’immoralité.
« Nous avons essayé de leur expliquer que ce programme était en accord avec la loi coranique », assure à l’AFP un responsable du ministère de la Santé. « Mais nous nous sommes heurtés à un mur. Pour beaucoup, parler de sexe relève toujours d’un prosélytisme immoral ».
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